Le principe du pollueur-payeur posé par la directive du 21 avril 2004 (1) qui est le fondement de la mise en œuvre de la responsabilité environnementale, consacre pour les entreprises l’obligation de reconnaître et d’assumer les conséquences de leur activité sur l’environnement. Le régime de responsabilité issu de la directive instaure soit une responsabilité objective ou sans faute, soit une responsabilité pour faute, selon l’activité qui est à l’origine du dommage. Sa transposition en droit français pose de nombreuses questions, notamment concernant l’évaluation du préjudice écologique ou encore le lien de causalité entre le dommage et la faute par imprudence. Cette directive n’a toujours pas été transposée en droit français malgré le dépôt très récent d’un projet de loi qui fera l’objet de notre prochaine analyse dans un article distinct. Contrairement à la directive européenne, le droit français ne prévoit actuellement aucune obligation de réparer le préjudice écologique causé à un élément de l’environnement, lequel ne répond pas à l’exigence de préjudice personnel. Toutefois, une tendance récente de la jurisprudence semble favorable à la prise en compte élargie des atteintes à l’environnement. En effet, amené à trancher des demandes de réparation suite à des atteintes à l’environnement, le juge a reconnu le principe de la responsabilité écologique. Le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2008 dans l’affaire Erika (2) et celui de Narbonne du 4 octobre 2007 (3) ont reconnu la possibilité d’indemniser les pertes écologiques en raison d’imprudences.
Dans l’affaire Erika, le juge reconnaît la responsabilité pénale – outre celle du propriétaire du navire, de son gestionnaire et de la société de classification Rina – d’une société pétrolière pour le délit de pollution (4). Le tribunal a considéré la société mère d’une société pétrolière comme un des responsables de la catastrophe de l’Erika en raison de son service de vetting (processus par lequel une société pétrolière détermine si un navire peut être utilisé à l’affrètement pour ses besoins) qui lui a fait acquérir de fait un pouvoir de direction et de contrôle sur la gestion du navire, pouvoir dont le juge a tiré des conséquences. La condamnation de la société mère correspond à un élargissement du champ des pollueurs afin d’assurer une meilleure réparation du préjudice écologique. En effet, la société pétrolière a été sanctionnée en raison d’un comportement imprudent et dangereux à l’égard de l’environnement. Ce jugement constitue une nouvelle étape importante dans la construction juridique d’une reconnaissance du préjudice écologique.
(1) Dir. 2004/35/CE du 30 avril 2004
(2) TGI Paris Corr. 16 janvier 2008 n°9934895010 aff. Erika
(3) TGi Narbonne 4 octobre 2007 n°935-07 Assoc. Eccla et autres
4) Code environ., Art. L. 218-22
Autres brèves
- La notion de préjudice écologique enfin reconnue par la justice (Mise en ligne Janvier 2008)
- Quelle est la responsabilité du propriétaire des déchets en cas de recours à un tiers ? (Mise en ligne Mars 2007)