Le rapport d’évaluation de la deuxième phase de la politique des pôles de compétitivité, confié au consortium Bearing Point-Erdyn-Technopolis ITD, a été remis au gouvernement en juin 2012.
Il a été réalisé entre décembre 2011 et juin 2012 et porte sur la mise en oeuvre des pôles de compétitivité de 2009 à 2012. Il révèle des résultats positifs, la majorité des entreprises membres des pôles déclarent avoir augmenté leurs investissements et effectifs en R&D depuis leur adhésion.
Un résultat encourageant pour la construction de la troisième phase qui, cependant, ne semble pas suffire, des aménagements doivent être mis en place.
Pôles de compétitivité : un bilan satisfaisant
Les 71 pôles qui ont été labellisés couvrent l’ensemble des technologies clés avec une concentration plus élevée dans les domaines « chimie, matériaux, procédés », « TIC » et « santé, agriculture et agroalimentaire » ; le domaine « énergie » est le moins représenté. Le rapport d’évaluation met en avant un bilan satisfaisant de la politique des pôles ayant conduit à « une dynamique collaborative désormais mature et attractive ». « La politique des pôles fait preuve de réalisations majeures, conformes à ses objectifs initiaux et demande en ce sens à être reconduite ».
Entre 2008 et 2011, près de 900 projets ont été soutenus, mobilisant 2,7 milliards d’euros de financement public. La dynamique créée par les pôles attire des adhérents de plus en plus nombreux (+50% entre 2008 et 2011), notamment des PME et des grands groupes.
Les effets en matière de soutien aux innovations et au développement économique sont également importants. Le rapport dénombre plus de 2.500 innovations résultant des pôles.
Les projets de R&D ont conduit au dépôt de près d’un millier de brevets surtout dans les TIC, biotechnologies, santé et énergie. Près de 6500 articles scientifiques ont été publiés, 93 startups sont issues directement des projets de R&D.
1.300 entreprises estiment que l’adhésion aux pôles leur a permis de créer des emplois et 1.000 entreprises indiquent un effet sur le maintien des emplois.
Selon le rapport, les pôles constituent un élément essentiel de la promotion des territoires, jugé important par les investisseurs étrangers. Ils contribuent à renforcer et mieux structurer les acteurs d’un même secteur ou d’une même filière au niveau local. Ils sont perçus comme fédérateurs des initiatives en faveur de l’innovation dans leur secteur.
Pôles de compétitivité : un bilan insuffisant
Pour les auteurs du rapport, les pôles assurent mal un suivi précis du devenir des projets, des retombées des innovations, de leur capacité à atteindre leur marché, et in fine, de la contribution à la croissance des entreprises. L’action des pôles est plus orientée sur le soutien aux projets de R&D que sur la mise sur le marché des innovations.
Par ailleurs, le rapport relève que les pôles couvrent un grand nombre de thématiques, sans qu’aucune priorité thématique n’ait été fixée par l’Etat, explicitement ou implicitement, par ses modalités d’intervention.
Il relève que la classification en trois catégories (mondiaux, à vocation mondiale, nationaux) apparaît obsolète car elle ne promeut pas de priorités de l’Etat. Il n’y a pas d’approche stratégique de la filière, du secteur ou de la technologie au niveau national.
Le rapport souligne que des faiblesses apparaissent au niveau du mode de pilotage de la politique nationale, qui est globalement apprécié des acteurs institutionnels, mais trop complexe, en particulier concernant les échanges techniques sur la politique des pôles ; ce qui n’impulse pas une vision stratégique des pôles. La coordination interministérielle est perfectible avec les autres politiques de recherche et d’innovation. Il préconise un renforcement du rôle des collectivités régionales dans le pilotage des pôles.
Le rapport d’évaluation met également en avant la problématique du financement des pôles. Les instruments financiers actuels ne couvrent pas l’ensemble des besoins des entreprises adhérentes en matière de projets R&D et de projets innovants. Le processus de labellisation, d’expertise et de sélection des projets est jugé trop complexe et long. Selon ses auteurs, l’association des collectivités territoriales, en premier lieu des collectivités régionales, dans le processus de sélection du fonds unique interministériel (FUI) reste perfectible.
Les échanges entre Etat et région sont insuffisamment normés en local. Les pôles restent encore largement dépendants des financements publics pour assurer leur fonctionnement, ils doivent accroître rapidement leur ressources propres.
Pôles de compétitivité : les recommandations
Le rapport dégage différentes recommandations destinées à la mise en œuvre d’une troisième phase de la politique des pôles de compétitivité, notamment :
- reconduire la politique des pôles en une troisième phase améliorée et ce, sur une période de huit ans (2013-2020), pour couvrir la période de la future programmation des fonds structurels, avec une contractualisation en deux temps (2013-2016 et 2017-2020). Une évaluation légère à mi-parcours serait réalisée sur la base d’une procédure d’auto-évaluation ;
- redéfinir le positionnement de la politique des pôles dans la stratégie industrielle de l’Etat et dans le système d’appui à l’innovation ;
- réaffirmer une vision interministérielle de la politique des pôles et des interactions avec les différentes politiques sectorielles en reconsidérant le système de zonage actuel de R&D, en supprimant le dispositif actuel et en établissant une définition contractuelle dans le cadre des contrats de performance ;
- revoir la classification actuelle des pôles (mondiaux, à vocation mondiale, nationaux) en les limitant à deux : « pôles de compétitivité internationaux » et « pôles de compétitivité et d’innovation ». Le classement des pôles de compétitivité internationaux « devant être fondé sur le caractère stratégique de la filière ou du secteur pour la compétitivité de la France et de l’attractivité du territoire national ;
- réaffirmer l’objectif de compétitivité : de l « usine à projets » à l’« usine à croissance ». Le concept nouveau est celui d’une « usine à croissance » des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, et non d’une « usine à projets ». Pour ce faire, les auteurs du rapport soulignent la nécessité de mettre en place un instrument d’observation efficace et fiable concernant les « résultats » finaux des projets de R&D. L’objectif étant pour les pôles de renforcer « l’usine à croissance » en termes de débouchés commerciaux des innovations ;
- consolider le rôle du FUI en maintenant une dotation suffisante à la visibilité du FUI, proche de 200M d’euros par an. Il préconise de repenser en partie ses objectifs et modalités de financement pour répondre à la demande concernant des projets de taille intermédiaire. Le FUI pourrait aussi « combler le ‘gap’ des dernières étapes avant mise sur le marché, par exemple avec des avances remboursables » ;
- conduire les pôles vers une plus grande robustesse financière en réaffirmant l’objectif de financement de la mission d’animation des pôles à parité entre financements publics et financements privés et de le faire respecter. A terme, le futur contrat de performance devrait contenir une définition du modèle économique du pôle avec des engagements fermes et un plan de financement ;
- piloter les pôles de manière différenciée en fonction de la nouvelle classification. Les « pôles de compétitivité internationaux » seraient pilotés par l’Etat. Les « pôles de compétitivité et d’innovation » seraient co-pilotés par l’Etat et les collectivités régionales. Dans ce dernier cas, le rapport expose que « les conseils régionaux seraient responsables, en collaboration avec l’Etat, de la définition du territoire, de l’animation du réseau des pôles et de l’ensemble des actions en faveur du développement de l’écosystème et de l’émergence de projets de R&D. L’Etat ne contribuerait pas au budget d’animation de ces pôles ».
Mais il ne s’agit que de recommandations, une phase de concertation doit avoir lieu dans les prochaines semaines entre le gouvernement et les principaux acteurs publics et privés de la politique des pôles.