Le framing est un type de lien hypertexte permettant d’afficher en incrustation sur la page d’un site internet celle d’un autre site internet, pouvant ainsi donner l’impression que cette autre page appartient au premier site. La page du site est alors divisée en plusieurs cadres et dans l’un d’eux s’affiche, au moyen d’un lien hypertexte, l’élément qui provient d’un autre site.
La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie par le Bundergerichshof (Allemagne), d’une question préjudicielle sur le point de savoir si les liens hypertextes de type framing devaient être considérés comme une communication au public, au sens de l’article 3 paragraphe 1 de la directive 2001/29, pour laquelle l’autorisation préalable du titulaire des droits sur l’œuvre protégée est indispensable.
En l’espèce, Michael M et Stefan P éditaient chacun des sites internet pour promouvoir des entreprises concurrentes d’une société BestWater International qui commercialise et fabrique des systèmes de filtres à eau. Ils avaient sur leurs sites respectifs, au moyen d’un lien hypertexte utilisant la technique du framing, diffusé un film sur lequel la société BestWater International disposait des droits exclusifs d’exploitation. Le film apparaissait en incrustation sur les sites internet de Michael M et Stefan P de manière à laisser croire qu’il provenait des sites de ces derniers alors qu’il provenait de la plateforme de partage en ligne YouTube sur laquelle le film était diffusé sans autorisation de la société BestWater International.
Pour répondre à la question posée par le Bundergerichshof, la Cour de justice de l’Union Européenne s’est appuyée sur sa jurisprudence. Ainsi, elle a rappelé que, pour qu’il y ait « communication au public » au sens de la directive, deux critères alternatifs sont retenus:
– soit l’œuvre est communiquée « selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés » ;
– soit et à défaut, l’œuvre est communiquée auprès d’un public nouveau « c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisés la communication initiale de l’œuvre au public » (voir notamment arrêt SGAE, C306/05 du 7 décembre 2006 points 40 et 42, arrêt ITV Broadcasting C607/1, 7 mars 2013 point 39).
L’arrêt Svensson C 466/12 rendu le 13 février 2014 précise que « l’insertion sur un site internet par un tiers, au moyen d’un lien internet, d’une œuvre protégée ayant déjà été communiquée au public sur un autre site », est un acte de communication utilisant la même technique de communication que celle jusqu’alors utilisée. Il ne peut être qualifié de « communication au public » au sens de la directive que s’il est effectué auprès d’un public nouveau.
Or, tel n’est pas le cas lorsque l’œuvre est déjà librement disponible sur un autre site internet, avec l’autorisation des titulaires de droits d’auteurs. Il n’y a donc pas de « communication à un public ». Peu importe que la technique employée, en l’occurrence celle du framing, puisse laisser croire à l’utilisateur que la page incorporée provient en réalité d’un autre site que celui sur lequel il se trouve.
En outre, alors même qu’en l’espèce sur les sites de Michael M et Stefan P, les liens hypertextes pointaient vers la plateforme YouTube sur laquelle la diffusion du film n’avait pas été autorisée, la Cour a néanmoins considéré que cette technique n’était pas illicite au regard de l’article 3 paragraphe 1 de la directive 2001/29.
En effet, la Cour de justice de l’Union européenne, statuant par voie d’ordonnance motivée, a répondu au Bundergerichshof que « le seul fait qu’une œuvre protégée, librement disponible sur un site internet, est insérée sur un autre site internet au moyen d’un lien utilisant la technique de la « transclusion », telle que celle utilisée dans l’affaire au principal, ne peut pas être qualifiée de communication au public au sens de l’article 3 paragraphe 1, de la directive 2001/29 dans la mesure où l’œuvre en cause n’est ni transmise à un public nouveau ni communiquée suivant un mode technique spécifique, différent de celui de la communication d’origine ».
Marie Soulez
Joséphine Weil
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