Le 15 décembre 2016, l’Union européenne a enfin lancé son projet de navigation par satellite, dénommé Galileo.
Bien que les médias traitent exclusivement des aspects stratégiques et économiques de Galileo, il s’avère aussi que le programme Galileo représente un précédent en termes d’intégration et de coopération européenne puisque désormais l’Union européenne gère et supervise son fonctionnement par l’intermédiaire de la Commission européenne.
Un système de navigation plus performant que le GPS
Il s’agit d’un système de navigation fonctionnant grâce à une constellation de 30 satellites envoyés à 23 000 km et qui offre une panoplie de services, à l’image du GPS, à destination des secteurs suivants : le transport maritime, aérien et terrestre, l’agriculture, les travaux publics, les opérations de secours ou de sauvetage et les usages gouvernementaux.
Le programme Galileo offre un service dix fois plus précis que le GPS. Ainsi, « avec le GPS, on peut savoir où est un train en France, avec Galileo, on pourra dire sur quelle voie », d’après le Président du CNES, Jean-Yves le Gall.
Par ailleurs, le service sera disponible sur 90 % de la Terre et devrait générer de nombreuses retombées socio-économiques pour l’Union européenne.
Toutefois, il faudra encore attendre un moment avant de pouvoir utiliser les services proposés par Galileo puisqu’il est nécessaire de disposer d’un smartphone ou d’un terminal équipé d’une puce multi-systèmes compatible avec le système Galileo, ce qui n’est aujourd’hui possible qu’avec deux smartphones.
Cependant, le nombre de terminaux compatibles devrait progressivement augmenter puisque, d’après la Commission européenne, 95 % des fournisseurs fabriquent désormais des puces compatibles.
Un objectif géopolitique commun pour l’Union européenne
Galileo doit non seulement permettre à l’Union européenne de concurrencer le GPS américain mais aussi d’offrir une indépendance technologique à l’Union européenne vis-à-vis des Etats Unis et des autres grandes puissances qui disposent également de leur propre système de navigation par satellites avec Beidou pour la Chine et Glonass pour la Russie.
En effet, contrairement à ses concurrents développés et dirigés par l’armée, le programme Galileo est un service qui répond presque exclusivement à des besoins civils et la Commission européenne estime qu’environ 6 à 7 % du PIB européen dépend essentiellement des systèmes de navigation par satellites.
Il était donc urgent que l’Union européenne se dote de son propre système afin de ne plus être sous l’emprise technologique et économique d’autres puissances. Toutefois, la mise en œuvre du programme Galileo nécessite une coopération approfondie au sein de l’Union européenne.
Un précédent dans la coopération européenne
Au-delà de l’aspect technologique et géopolitique, Galileo est sans conteste une avancée impressionnante en termes de coopération européenne.
Pour la première fois, l’Union européenne dirige réellement un programme commun et en tire directement les bénéfices par l’intermédiaire de la Commission européenne au nom des Etats membres.
Le règlement européen 1285/2013 indique que l’Union européenne est propriétaire de tous les biens corporels et incorporels créés ou mis au point dans le cadre du programme Galileo (1).
A cet égard, les recettes générées par l’exploitation des systèmes sont perçues directement par l’Union européenne et sont versées au budget de l’Union pour être ensuite affectées au programme Galileo (2).
La gouvernance est tripartite et se répartit entre, d’une part, la Commission européenne, qui représente l’Union européenne, et d’autre part, l’Agence du système global de navigation par satellites européen ou GNSS européen (Global Navigation Satellite Systems), créée par le règlement européen n°912/2010 du 22 septembre 2010 et, enfin, l’Agence spatiale européenne (ESA).
Les tâches ont donc été réparties entre ces trois entités : la Commission européenne gère le programme Galileo au nom de l’Union. A ce titre, elle assume la responsabilité générale du programme (3), gère les fonds alloués au programme, supervise sa mise en œuvre, notamment en termes de coûts, de calendrier et de résultat et gère les relations avec les organisations internationales et les pays tiers au nom de l’Union européenne. Par ailleurs, Galileo étant un programme stratégique, la Commission veille également à la sécurité des systèmes.
De plus, pour assurer la sécurité du programme, l’Union européenne a créé l’Agence du GNSS européen qui garantit l’homologation de la sécurité des systèmes mondiaux de navigation par satellites et exploite le centre de surveillance de la sécurité de Galileo. En outre, Galileo étant également un projet économique et commercial qu’il convient de vendre, l’Agence GNSS contribue aussi à la promotion et à la commercialisation des services proposés par Galileo (4).
Enfin, l’Agence spatiale européenne, qui gère et contrôle l’exploitation des fusées Ariane et des sites de lancement, est en charge de la phase de déploiement des trente satellites qui devrait se prolonger jusqu’à 2020 (5).
Une coopération également au niveau de l’attribution des fréquences
Les systèmes de navigation par satellites fonctionnent habituellement dans trois bandes de fréquences : 1559 – 1610 MHz (bande d’origine), 1215 – 1300 MHz (bande d’extension) et 1164 – 1215 MHz (nouvelle bande d’extension).
Chacune des bandes de fréquences dispose de caractéristiques particulières : la première bande est celle des radars primaires, sujette à de nombreux brouillages. Ainsi, cette bande de fréquences n’est pas utilisée pour le secteur de l’aéronautique, pour des raisons de sécurité. En outre, la dernière bande de fréquences est quasi-déserte puisqu’elle subit un affaiblissement dix fois plus important celui des autres bandes, ce qui nécessite des satellites beaucoup plus puissants que pour les deux premières bandes de fréquences. Il était donc important que l’Union européenne bénéficie de la seconde bande de fréquences pour assurer le bon fonctionnement de Galileo.
Lors de la conférence de mai 2000 (CMR 2000) de l’Union internationale des télécommunications (IUT), l’Union européenne a, indirectement, obtenu l’attribution des nouvelles bandes des fréquences 1215 – 1300 MHz pour le programme Galileo. Cette attribution a, par la suite, été confirmée lors de la CMR-2003 de juin 2003 (6).
Cette attribution a été consentie dans des conditions exceptionnelles puisque, normalement, seul un Etat peut être membre de l’UIT et donc bénéficier de l’attribution d’une bande de fréquences, ce qui n’est évidemment pas le cas pour l’Union européenne.
Certains Etats membres ont donc chargé leur agence des fréquences, comme l’Anfr pour la France, de déposer des demandes de fréquences auprès de l’UIT. Après avoir reçu l’attribution des fréquences, les Etats membres ont signé avec la Commission européenne une licence d’exploitation pour les satellites Galileo.
Une coopération bilatérale avec des pays tiers
Pour être parfaitement opérationnel, il est, par ailleurs, nécessaire que le programme Galileo bénéficie d’une interopérabilité et d’une compatibilité avec le système GPS, utilisé dans le monde entier. L’objectif est de garantir aux utilisateurs de meilleures performances en permettant, notamment, aux terminaux utilisant les deux technologies de fournir une solution de navigation équivalente.
Cet objectif a été atteint au travers de l’accord signé entre les Etats-Unis et l’Union européenne le 26 juin 2004.
Cet accord a permis de mettre en œuvre un mécanisme d’interopérabilité et de compatibilité des radiofréquences entre le système GPS et Galileo pour les utilisateurs non militaires.
Cette interopérabilité et cette compatibilité doivent être assurées sans coûts supplémentaires lorsque l’utilisateur passe d’un système à un autre partie afin de ne pas freiner l’usage d’un système par rapport à l’autre.
Cet accord a été conclu pour une durée incompressible de dix ans puis a été reconduit pour cinq ans soit jusqu’en 2019. A l’expiration de ce délai, l’accord sera automatiquement reconduit pour de nouvelles périodes de cinq ans, sauf décision contraire de l’Union européenne ou des Etats Unis.
En outre, l’Union européenne a conclu trois autres accords bilatéraux avec la Suisse, la Norvège et l’Ukraine afin de favoriser l’échange d’informations et l’harmonisation de fréquences.
Cependant, alors que les accords avec la Norvège et l’Ukraine portent essentiellement sur la coopération scientifique et l’échange d’informations, l’accord avec la Suisse met en place une coopération plus étroite sur le programme Galileo puisqu’il prévoit une participation financière de la Suisse à hauteur de 80 000 000 d’euros sur le projet.
Toutefois, la Suisse ne bénéficie pas d’un partage de propriété sur le programme. Ainsi, l’Union européenne reste exclusivement propriétaire et responsable des risques et préjudices survenus du fait de l’exploitation de Galileo.
Alain Bensoussan Avocats
Lexing Droit des télécoms
(1) Règlement (UE) 1285/2013 du 11-12-2013, art. 6.
(2) Règlement (UE) 1285/2013 du 11-12-2013, art. 10.
(3) Règlement (UE) 1285/2013 du 11-12-2013, art. 12.
(4) Règlement (UE) 912/2010 du 22-9-2010.
(5) Règlement (UE) 1285/2013 du 11-12-2013, art. 15.
(6) ANFR, Des fréquences pour se positionner : le système GALILEO.