« Et si le ridicule finissait par avoir la peau d’Hadopi ? », titre l’Express, en réaction à la toute première condamnation de la HADOPI, ce jeudi 13 septembre 2012, devant le Tribunal de Police de Belfort. Un artisan d’une quarantaine d’années a été condamné à une amende de 150 euros pour le téléchargement de deux chansons.
A l’aube d’une prochaine vague de condamnations par la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet, les opposants se réveillent et les critiques pleuvent.
Au centre des reproches opposés à la HADOPI, se retrouve la contravention pour « négligence caractérisée » venue fonder la condamnation de l’internaute. Issue du décret n°2010-695 du 25 juin 2010, la négligence caractérisée est le fait pour le titulaire de l’accès Internet de « ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation » ou d’avoir « manqué de diligence dans sa mise en œuvre » et d’avoir donc permis à des tiers d’utiliser sa connexion internet pour commettre des actes illicites.
La sanction pénale pour négligence caractérisée est précédée de deux avertissements de la Haute Autorité (imposés par l’article R.335-5 du Code de la propriété intellectuelle). Ainsi, la sanction ne peut intervenir qu’après envoi d’un premier courrier électronique et, dans les six mois à compter de sa réception, en cas de récidive, après l’envoi d’un courrier par lettre recommandée.
Cette négligence correspond à une contravention de 5e classe, exposant à une amende maximale de 1500 euros, laquelle peut être remplacée ou accompagnée d’une suppression d’accès Internet d’une durée d’un mois. Si le décret manque à définir ce « moyen de sécurisation » devant être mis en œuvre par l’abonné, la Haute Autorité elle-même se charge de labelliser les outils de sécurisation potentiels.
C’est cette négligence caractérisée qui est reprochée au premier internaute condamné, étant coupable par omission. Par sa décision, la Haute Autorité incite fermement les internautes à se protéger, au risque d’être puni pour des faits qu’ils n’ont pas commis. L’artisan fait alors figure d’exemple. Mais cette décision est vivement critiquée, car ce n’est pas contre de brillants hackers que l’internaute a négligé de lutter, mais contre sa propre épouse, auteur des téléchargements illégaux.
Le recours à la négligence au sein du cadre familial ne manque pas de surprendre : on assiste bel et bien à un élargissement notable du champ d’application de l’incrimination, s’il faut en venir à se protéger de son entourage le plus proche et, ce, dès le premier téléchargement illégal.
La décision étonne encore davantage, lorsqu’initialement la négligence caractérisée visait exclusivement à empêcher certains internautes de contourner la loi, en installant par exemple un moyen de sécurisation sur un premier poste, pour télécharger en toute impunité sur un second poste relié au même abonnement internet, ou de se retrancher derrière un piratage de connexion internet.