La Hadopi dresse le bilan des travaux d’analyse et de recherche engagés depuis juin 2013. Ces travaux visaient à étudier la faisabilité d’un dispositif de rémunération proportionnelle du partage (« RPP ») permettant la rémunération des ayant-droits pour le partage des œuvres pratiqué sur internet.
L’objectif était, selon l’Hadopi, de corriger le « transfert de valeur déséquilibré au détriment des titulaires des droits » entrainé par le partage sur internet en sa forme actuelle.
Compte tenu de la complexité des questions économiques et juridiques soulevées par un tel dispositif, l’Hadopi a mené ses travaux en partenariat avec le laboratoire Regulatory de l’INRIA Saclay et l’Institut de recherche en droit privé (IRDP) de l’Université de Nantes.
Un an après le démarrage du projet, l’Hadopi dresse le bilan de ces travaux dans un rapport intermédiaire du 30 juin 2014. Le rapport préconise un système de « légalisation conditionnelle » des actes de partage sur internet qui serait subordonnée au paiement d’par les intermédiaires permettant le partage de la RPP.
Définition de partage. La définition suivante du terme « partage » a été proposée « tout acte par lequel une personne physique reproduit, représente ou communique au public sur un réseau de communications électroniques un objet protégé par un droit d’auteur et/ou un droit voisin, sans l’autorisation des titulaires desdits droits et sans avoir l’intention de réaliser un gain financier ».
L’Hadopi souligne par ailleurs que le partage ainsi défini serait autorisé uniquement lorsqu’il est réalisé grâce à un service qui s’acquitte de la RPP ou qui en est exonéré en application d’un « seuil plancher ».
Identification des acteurs. Après avoir établi une cartographie des acteurs actuellement concernés par le partage à partir des usages actuels, l’Hadopi a identifié deux types de partage, permettant ainsi une catégorisation des acteurs :
- le partage synchrone, dans lequel les utilisateurs qui partagent le contenu doivent être connectés au moment où les autres utilisateurs consomment le contenu ;
- le partage asynchrone, dans lequel l’utilisateur qui partage le contenu n’a plus besoin d’être connecté au moment où les autres utilisateurs consomment le contenu.
Difficultés d’articulation. L’Hadopi fait toujours face à certaines difficultés :
- l’applicabilité du dispositif aux acteurs localisés à l’étranger ;
- l’identification des intermédiaires débiteurs de la rémunération ;
- l’identification du montage légal permettant in fine aux ayant droits de percevoir la rémunération ;
- le paramétrage des montants de la rémunération ;
- la responsabilité des internautes ayant pratiqué des actes de partage en application du dispositif.
Par ailleurs, le dispositif ferait l’objet d’une modélisation économique afin de simuler les comportements des internautes et permettre la comparaison entre la situation existante et l’hypothèse de la mise en place de la RPP.
Si ces travaux ont la vertu de rechercher une solution juridique permettant aux ayant droits de percevoir une rémunération jusqu’à présent inexistante pour le partage de leurs œuvres sur internet, le dispositif proposé entraînerait une modification substantielle du contenu des droits d’auteur et des droits voisins tels qu’actuellement reconnus par le Code de la propriété intellectuelle.
Une telle réforme ne se fera pas sans des contrôles constitutionnels et conventionnels approfondis. Or, notamment, si l’Hadopi ne prévoit pas la possibilité de permettre aux ayants droits de refuser l’application du dispositif à leurs œuvres, le risque d’une censure du dispositif paraît non-négligeable.
Pour l’Hadopi, ces obstacles « traditionnellement avancés » de l’incompatibilité avec la constitution et les accords internationaux ne devraient pas être insurmontables, mais leur sort dépendrait fortement de la solution adoptée, dont la description devrait figurer dans un rapport final.
Marie Soulez
Viraj Bhide
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