Le Président de l’Hadopi, Monsieur Christian Pheline, a présenté, le 10 janvier 2017, le rapport d’activité 2015-2016.
Hadopi : les missions de l’Autorité
La réalisation de ce rapport est prévue à l’article L 331-14 du Code de la propriété intellectuelle.
Il est remis au gouvernement et au Parlement afin de présenter les travaux et actions menés par l’Hadopi qui ont pour objectifs l’observation des usages licites et illicites, la promotion de l’offre légale et l’information des consommateurs, la mise en œuvre de la réponse graduée, la lutte contre les services illicites et la régulation dans le domaine des mesures techniques de protection.
En effet, l’article L. 331-13 du Code de la propriété intellectuelle confie à la Hadopi une mission « d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ».
L’article L. 331-23 du Code de la propriété intellectuelle détaille le contenu de cette mission par une série d’actions, notamment :
- publier « chaque année des indicateurs dont la liste est fixée par décret » ;
- identifier et étudier « les modalités techniques permettant l’usage illicite des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques [et] proposer, le cas échéant des solutions visant à y remédier ».
Les indicateurs fixés dans le décret n° 2011-386 du 11 avril 2011 peuvent se classer en deux catégories : l’une relative à la perception de l’offre légale et l’autre, davantage orientée sur les usages des internautes, licites ou illicites sur Internet des œuvres protégées.
Les dispositions relatives aux expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance de contenus et de filtrage et à l’étude de leur évolution sont présentées dans la partie intitulée « Lutter contre les pratiques illicites ».
Ce rapport a permis également de faire un bilan à l’occasion du septième anniversaire de l’institution depuis sa création en 2010 (1).
Le rapport de l’Hadopi montre que cette dernière semble se renforcer et augmenter son activité.
La réponse graduée
Concernant son dispositif principal, la réponse graduée, la Présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi s’est félicitée car depuis 2016, la totalité des saisines des ayant-droits a été traitée et 8000 courriers électroniques d’avertissement sont envoyés par jour ouvré, soit 25% d’augmentation par rapport à l’exercice précédent.
Dans l’hypothèse d’une réitération, un deuxième courrier électronique est envoyé avec une lettre remise contre signature, ce qui représente 800 lettres envoyées chaque jour ouvré.
Enfin, dans l’hypothèse d’une réitération de l’internaute et donc dans le cas de nouvelles constations dans les 12 mois suivant la date de présentation de la deuxième lettre de recommandation, un troisième courrier électronique et une lettre remise contre signature constatant les faits sera envoyés et ces faits seront susceptibles de poursuites pénales.
La Commission de protection des droits (CDP) procède à un examen et peut décider de transmettre les dossiers à la justice en cas d’échec de la phase pédagogique de la réponse graduée. La Commission a adopté en un an près de trois fois plus de délibérations de transmission au Parquet. Selon le rapport, plus de 1300 dossiers ont été envoyés au procureur de la République pour l’engagement éventuel de poursuites pénales.
La Commission de l’Hadopi transmet le plus souvent à une contravention de 5e classe dont le montant maximal est de 1500 euros pour les personnes physiques et 7500 euros pour les personnes morales. Plus rarement, la Commission peut décider de transmettre la procédure au procureur de la République en visant le délit de contrefaçon, punissable de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ou cumulativement avec le délit de négligence caractérisée.
Il revient évidemment au procureur de la République de qualifier les faits. La contravention concerne le titulaire de l’abonnement négligent et le délit de contrefaçon permet de poursuivre toute personne ayant mis irrégulièrement une œuvre protégée à disposition.
Selon le rapport, les avertissements ont un réel impact sur les titulaires des abonnements. En effet, selon le rapport, une personne sur deux reconnaît en outre avoir changé ses habitudes après la réception de la recommandation, ce qui assied sa mission de pédagogie.
Des missions élargies
L’Hadopi a pour projet d’élargir ses missions. En effet, dans ses projets à droit constant, « la Commission de protection des droits souhaite mener une réflexion sur l’élargissement des saisines qu’elle pourrait recevoir sur le fondement de l’article L 331-24 du Code de la propriété intellectuelle », visant les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les organismes de gestion collective, le Centre national du cinéma et de l’image animée.
L’Hadopi préconise par ailleurs, plusieurs mesures législatives ou réglementaires visant à renforcer et à accélérer la procédure et le traitement des saisine en permettant aux ayant- droits individuels de la saisir directement en s’appuyant sur un constant d’huissier, comme en matière de contrefaçon, sans solliciter une société de gestion collective.
Lutte contre les services illicites
La mission de protection des œuvres confiée à l’Hadopi par l’article L331-13 du Code de la propriété intellectuelle l’incite à mettre en œuvres des actions en matière de lutte contre les services illicites.
L’Hadopi est en effet chargée d’observer les utilisations illicites et plus précisément « d’évaluer et rendre compte des expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne ».
Selon son rapport, « à la différence des mises à disposition individuelles de fichiers sur les réseaux pair-à-pair, la diffusion illicite d’œuvres en streaming et en téléchargement direct relève le plus souvent d’une approche professionnelle et profitable visant à faciliter et inciter à grande échelle à la contrefaçon ». L’Hadopi constate que la lutte contre les contrefaçons commises sur les sites de streaming et de téléchargement direct appelle une forte implication des intermédiaires.
L’Hadopi propose dans sa liste d’évolutions de renforcer ses pouvoirs pour réguler la coopération entre les hébergeurs et les titulaires de droit notamment en matière de reconnaissance de contenus mais aussi de prévoir l’intervention d’une tierce autorité pour une meilleure implication des intermédiaires dans la lutte contre le piratage.
Faciliter le bénéfice des exceptions
Enfin, l’Hadopi a une mission de « régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection (MTP) et d’identification des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin », selon l’article L 331-13 du Code de la propriété intellectuelle.
Dans cet objectif, l’Hadopi a pour projet de développer des outils de signalement à destination des consommateurs mais aussi de renforcer la procédure de régulation des MTP en élargissant les personnes susceptibles de saisir le régulateur, incluant les consommateurs. Enfin, l’Hadopi propose d’étendre la régulation aux œuvres du domaine public afin d’éviter une marchandisation du domaine public.
Marie Soulez
Julie Langlois
Lexing Propriété intellectuelle Contentieux
(1) Hadopi, Rapport d’activité 2015-2016