La définition panoramique du harcèlement moral conduit aujourd’hui la grande majorité des dossiers prud’homaux relatifs à la rupture pour motif personnel à évoquer à « tout hasard » un harcèlement.
En effet, la définition posée par le Code du travail ne précise pas en quoi consistent les agissements de harcèlement moral.
Elle se fonde uniquement sur leurs conséquences, à savoir une dégradation des conditions de travail susceptible :
- de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ;
- d’altérer sa santé physique ou mentale ;
- de compromettre son avenir professionnel.
Déjà juste après la loi de la modernisation sociale en 2002 le retrait d’un téléphone portable fut un des critères relevés par la Cour de cassation (1) pour accueillir une demande pour harcèlement moral. Depuis, la discorde est officielle entre la chambre sociale de la Cour de cassation et le juge répressif, le 1er ayant réaffirmé récemment (2) que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.
Ainsi, la géolocalisation des salariés, le remplacement d’un système automatisé de décompte de temps, le déploiement d’outils d’évaluation et de développement du salarié, ou l’introduction du lean management en bref l’introduction et la mise en œuvre de nouvelles technologies (article L 2323-13 et suivant du Code du travail) devient la cible potentiel du L 1152-1 du Code du travail.
Il est fort probable en effet compte tenu, de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur en matière de harcèlement moral (3), que les conséquences de ces transformations technologiques puissent, par nature, être reversées « directement » dans l’incertitude de la définition du harcèlement moral.
Dès lors à quel moment la société franchit-elle la ligne entre simple exécution de son pouvoir de direction et harcèlement moral ?
La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 10 novembre 2009. Elle admet, que « les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique (…) peuvent caractériser un harcèlement moral (…) dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Quelles actions face aux demandes quasi systématique de dommages et intérêts, et aux risques pénaux (1 an, 15 000 € d’amendes) ?
- prévenir et informer : par des outils de gouvernance adaptés (L.1153-4 et L.4212-3 du Code du travail) et la mise en œuvre d’une charte spécifique qui synthétise l’ensemble des dispositions relative au harcèlement moral ;
- former : l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 précise les orientations de formation des managers et la nécessité d’introduire une politique de conduite du changement ;
- dialoguer : il s’agira d’introduire un dialogue volontaire par la procédure de médiation (L.1152-6 Code du travail) puis un dialogue contraint s’il survient un cas de harcèlement (L.2313-2 Code du travail).
(1) Cass. soc. 27-10-2004 n°04-41.008.
(2) Cass. soc. 15-04-2011 n°07-40-290.
(3) Cass. soc. 3-02-2010 n°08-44-019.