Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB)* publie ses recommandations au regard de la protection en France des innovations en matière de biotechnologie végétale au moment même où la Cour suprême américaine rejette la brevetabilité de l’ADN humain tout en laissant ouverte la possibilité de breveter un ADN artificiel. Résultat des travaux issus du groupe de travail mis en place par le Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des Biotechnologies rendus en avril dernier, le HCB fait ainsi le constat de l’évolution des règles de protection de l’innovation végétale, tant par le droit des brevets que par le certificat d’obtention végétale (COV) et la difficulté de concilier les intérêts des acteurs majeurs du secteur.
Instrument majeur et essentiel de la protection de l’innovation, contrepartie naturelle de la divulgation de l’invention, le monopole accordé aux titulaires de droits de propriété industrielle sur les obtentions végétales ne doit pas pour autant conduire les utilisateurs finaux, en l’occurrence les agriculteurs, à une situation de dépendance matérielle et financière envers un ou plusieurs acteurs majeurs de l’industrie semencière. Or, tel est aujourd’hui le risque.
En effet, alors que le certificat d’obtention végétale avait pour objectif de permettre de laisser libre l’accès aux ressources phytogénétiques présentes dans les variétés protégées, la reconnaissance, par la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques du 6 juillet 1998, de la brevetabilité des innovations relevant de la sélection végétale, a entrainé le développement d’une politique extensive de dépôts de brevets sur les variétés transgéniques, les gènes isolés ainsi que sur les procédés de mise en œuvre correspondant.
Analysant, à cet égard, la jurisprudence rendue par l’Office européen des brevets (OEB) en la matière, le Haut conseil relève que « la délivrance des brevets en biotechnologies fait l’objet d’une approche compréhensive de l’OEB qui a tendu à faire primer le caractère pionnier des techniques sur les critères classiques de brevetabilité ».
Partant de ce constat, le HCB propose plusieurs recommandations face au risque de blocage de l’innovation végétale par les COV et les brevets.
En matière de COV et afin de ne pas risquer de rendre inopérante l’exception de sélection, le HCB recommande :
- de ne pas introduire d’embargo temporaire sur l’exception de sélection, actuellement proposé par certains sélectionneurs ;
- de considérer comme nulles les clauses des contrats destinées à interdire les retro-ingénierie, c’est-à-dire visant à interdire à l’acheteur de remonter aux lignées parentales des semences.
Concernant le risque de blocage de l’innovation résultant du développement des stratégies brevets, le CHB propose les évolutions suivantes :
- renforcer l’information relative à l’existence de brevets sur les végétaux commercialisés et conditionner la recevabilité de l’action en contrefaçon à cette information préalable ;
- interdire les revendications de brevet trop larges par une application stricte des conditions de brevetabilité, qu’il s’agisse de brevet de produit ou de procédé ;
- exclure du champ de la brevetabilité l’ensemble des gènes y compris lorsque ceux-ci ont été modifiés en laboratoire ;
- introduction, dans le cadre de l’action en contrefaçon d’un élément moral, mettant à la charge du titulaire du brevet, la preuve de ce que l’agriculteur ou sélectionneur a sciemment exploité un élément breveté en violation des droits du titulaire.
Virginie Brunot
Lexing Droit des brevets
(1) Recommandation du Haut Conseil des Biotechnologies « Biotechnologies végétales et propriété industrielle », 12-6-2013.
- Le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) disparaît à compter du 1er janvier 2022. L’ordonnance qui supprime cette instance créée en 2008 afin d’évaluer l’impact des OGM sur la santé et l’environnement a été publiée au Journal officiel du 14 octobre 2021.