Le déploiement d’une première version de la plateforme Health Data Hub est attendu pour la fin de l’année 2019.
C’est ce qu’annonce le rapport «Health Data Hub – mission de préfiguration» (1), commandé par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, rendu public le 12 octobre dernier.
Accès aux données de santé : état des lieux
Le Président de la République avait annoncé la création du «Health Data Hub» suite à la publication du rapport Villani (2).
Ce rapport sur le développement de l’intelligence artificielle en France, publié le 28 mars 2018, présentait la santé comme l’un des secteurs à prioriser.
A ce jour, la France dispose d’ores et déjà d’un système de mutualisation et d’accès aux données de santé unique au monde : le Système national des données de santé (SNDS).
Créé par la loi de modernisation de notre système de santé, le SNDS regroupe les bases de données suivantes :
- système national d’information inter-régimes d’assurance maladie (SNIIRAM) concernant les données de l’assurance maladie ;
- programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) concernant les données issues de l’activité des établissements de santé ;
- centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CepiDC) ;
- base concernant les données liées aux handicaps issues des maisons départementales des personnes handicapées ;
- base concernant les données provenant des complémentaires-santé.
Innovation incontestable pour la recherche dans le domaine de la santé, le SNDS semble insuffisant pour placer la France en tête des innovateurs en santé numérique, ambition poursuivie par la ministre de la Santé qui a exprimé vouloir :
faire de la France un leader dans l’utilisation des données de santé au service du bien commun. (3)
Le Health Data Hub vise à inclure les données du SNDS et les élargir à d’autres, mais surtout à faciliter leur dépôt, accès et exploitation.
La donnée : un préalable nécessaire au développement de l’intelligence artificielle en santé
On remarque une forte accélération du développement de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé.
De nombreux programmes sont déployés, notamment :
- en médecine préventive ;
- dans le domaine des prothèses ;
- en radiologie avec des outils d’aide au diagnostic ;
- en télé-suivi personnalisé et contrôle d’observance.
C’est dans ce cadre qu’intervient la création du Health Data Hub. La donnée et l’intelligence artificielle sont intrinsèquement liées. Une mutualisation et une nouvelle organisation de l’accès aux données de santé est un prérequis nécessaire à l’expansion de l’intelligence artificielle.
Health Data Hub : création d’un guichet unique d’accès aux données de santé
L’accès aux données est le cœur du projet. L’objectif du Health Data Hub est de créer un guichet unique centralisant les données provenant d’une multitude de sources : le SNDS, les dossiers patients des centres hospitaliers, la médecine de ville et les patients eux-mêmes.
Les catégories de destinataires de ces données sont également élargies. Il s’agira des professionnels de santé publics ou privés, mais aussi des acteurs économiques du secteur et enfin directement des citoyens.
Le Health Data Hub bénéficiera :
- à la recherche médicale ;
- aux professionnels de santé (aide aux au diagnostic, automatisation des tâches administrative, etc.) ;
- à l’élaboration des politiques publiques (prise de décision intelligente, meilleure organisation des établissements de santé et de l’allocation des ressources) ;
- aux patients (meilleurs statistiques, collecte de données de vie réelle, conseils personnalisés et médecine préventive).
Dans ce cadre, une des ambitions principales du Data Health Hub est la création d’un patrimoine interactif de données de santé. Parmi les lacunes et critiques du système actuel soulevées par le rapport, on note en particulier :
- l’éclatement des bases de données (manque de visibilité de l’ensemble des bases aux conditions d’accès complexes et différentes) ;
- la «méconnaissance d’ensemble du cadre réglementaire et juridique, en évolution rapide».
Health Data Hub : tiers de confiance
Le Health Data Hub se veut être l’instrument de l’Etat pour répondre aux objectifs et défier les lacunes susmentionnées en jouant le rôle de tiers de confiance :
En tant que tiers de confiance, il facilitera le partage en mettant en relation les producteurs et les utilisateurs publics comme privés selon un processus standardisé, lisible et non discrétionnaire (4).
La plateforme facilitera ainsi, d’une part, le dépôt et la mise à jour des données de santé, et d’autre part, leur exploitation en proposant notamment une offre de service variée, le tout encadré par une gouvernance innovante et transparente de la donnée.
L’offre de service envisagée inclut, entre autres :
- la mise à disposition des données ;
- la mise à disposition de briques documentaires ou techniques clés en main ;
- l’accompagnement à la valorisation de la donnée (catalogue de formations thématiques liées à la valorisation de la donnée, par exemple) ;
- l’accompagnement de projets innovants sélectionnés.
Health Data Hub : un projet ambitieux
Une première version est attendue pour juin 2018, ce qui laisse peu de temps pour un projet de cette envergure. Ce projet illustre l’importance de deux grandes tendances actuelles :
- le partage de la donnée comme atout économique (valorisation) et pour l’intérêt général (porté initialement par l’open data) ;
- l’essor de l’intelligence artificielle en médecine, afin de développer la médecine préventive, en temps réel, et plus généralement l’ensemble des dispositifs médicaux de prévention ou de traitement.
Le partage des données suppose une gouvernance précise des données (modalités de dépôt, d’accès et d’exploitation ultérieure).
Surtout, cette plateforme, de part la multitude et la diversité des utilisateurs et surtout de part le contenu potentiellement sensible des données, doit garantir une protection de la vie privée des citoyens.
Ainsi, le Health Data Hub devra veiller, par le biais de moyens techniques et organisationnels conformes à l’état de l’art, à respecter :
- les obligations relatives à l’hébergement des données de santé ;
- le référentiel de sécurité du SNDS ;
- les règles éthiques du secteur ;
- plus généralement et en particulier, la nouvelle réglementation sur la protection des données à caractère personnel portée par le règlement européen en vigueur depuis le 25 mai 2018.
La compréhension de l’ensemble du cadre réglementaire et juridique est donc nécessaire.
Cela suppose aussi une très grande transparence (formation des utilisateurs, accompagnement par des experts, accès à des ressources documentaires claires, complètes et spécifiques aux enjeux en l’espèce).
Quant au modèle économique, il doit encore être défini. Le rapport évoque la possibilité d’un accès payant aux acteurs privés sous la forme d’un abonnement fixe et d’une part variable associée à l’usage.
Marguerite Brac de La Perrière
Amélie Salvat
Lexing Droit de la santé
(1) Mission de préfiguration du « Health Data Hub », Rapport remis à Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, le 12 octobre 2018.
(2) Rapport « Donner un sens à l’intelligence artificielle », rédigé par Cédric Villani, rendu public le 28 mars 2018.
(3) Ministère des solidarités et de la Santé, Communiqué de Presse du 12 octobre 2018.
(4) Mission de préfiguration du « Health Data Hub », Rapport remis à Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, le 12 octobre 2018, page 4.