La jurisprudence relative à l’obligation de suppression définitive des contenus notifiés fait actuellement l’objet d’une incertitude.
Dans un jugement rendu le 3 juin 2011, le Tribunal de grande instance de Paris s’est prononcé sur l’hypothèse de la réapparition d’un contenu illicite intervenue postérieurement à la notification dudit contenu à l’hébergeur.
Conformément à l’article 6-I-2 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), les hébergeurs sont tenus de supprimer tout contenu manifestement illicite qui leur a été notifié dans les conditions de l’article 6-I-5 de la LCEN, sous peine de voir leur responsabilité engagée s’ils n’agissent pas promptement pour le retirer.
En l’espèce, un titulaire de droits portant sur un clip vidéo avait notifié des contenus illicites à un hébergeur sans indiquer toutes les adresses url permettant d’accéder à ceux-ci. Après avoir constaté que les contenus litigieux figuraient toujours en ligne malgré la notification effectuée à l’hébergeur, le titulaire de droits a tenté de mettre en cause la responsabilité de l’hébergeur devant les juridictions civiles.
Le Tribunal de grande instance de Paris n’a pas fait droit à la demande de l’intéressé considérant, d’une part, que les mises en ligne litigieuses étaient antérieures à la notification et d’autre part, que celui-ci avait préféré faire dresser des constats d’huissier plutôt que d’informer le prestataire technique par l’un des moyens mis à sa disposition et dont l’existence avait, en l’occurrence, été portée à la connaissance du demandeur.
En ce qui concerne la réapparition du contenu illicite, l’une des vidéos litigieuses d’une durée de 57 secondes ayant été mise en ligne postérieurement à la notification effectuée auprès de l’hébergeur intégrait 13 secondes d’images sans reprendre la musique du clip vidéo appartenant au demandeur.
Selon le Tribunal, le fait que seules quelques secondes aient été reprises dans une œuvre de seconde main sans reprise de la musique de l’œuvre première « rendait impossible toute identification de ce contenu par Dailymotion, en l’absence de concordance entre les empreintes générées par le clip original et le nouveau contenu, sauf à exiger de l’hébergeur un contrôle a priori de l’ensemble des contenus au moment de leur mise en ligne, ce qui s’avère impossible, compte tenu du volume de contenus stockés et serait contraire aux dispositions de l’article 6-I-7 de la LCEN ».
La jurisprudence relative à l’obligation de suppression définitive des contenus notifiés fait actuellement l’objet d’une incertitude, car elle fluctue entre la nécessaire collaboration du titulaire de droits, qui doit indiquer précisément la localisation du contenu à l’hébergeur et l’efficacité des moyens techniques mis en œuvre par celui-ci pour empêcher toute réapparition postérieurement à la notification.
Cette décision semble donc plus favorable à l’hébergeur, par rapport aux arrêts récents rendus par la Cour d’appel de Paris, desquels il ressort que le simple fait de ne pas accomplir toutes les diligences nécessaires pour empêcher la remise en ligne d’un contenu manifestement illicite précédemment notifié suffit à engager la responsabilité de l’hébergeur.
Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne devrait bientôt se prononcer sur la question, sous couvert de l’absence d’obligation générale de surveillance à propos des informations transmises ou stockées par les prestataires techniques.
TGI Paris 3-6-2011 n° 09/08902
CA Paris Pôle 5, 2e ch., 14 janvier 2011 n° 09-11729, n° 09-11779
CA Paris 4-2-2011 n° 09-21941