Marques et noms de domaine
Marques notoires
Hôtels Méridien : Confirmation de la responsabilité du prestataire de noms de domaine
Par arrêt du 21 octobre 2008, la Cour de Cassation a mis un terme à l’affaire « Hôtels Meridien », qui opposait la société éponyme à la société d’enregistrement et de gestion de noms de domaine Sedo. Pour mémoire, la première reprochait à la seconde d’avoir proposé à la vente les noms de domaine meridien.com, meridianhotel.com meridiantravel.net meridianworldwide.com, meridiantravellinc.com et meridian.it, et exploitant les noms de domaine meridianhotel.co.uk et méridien.com sous la forme de parking reproduisant des liens commerciaux vers des sites proposant des services identiques ou similaires à ceux visés par la marque LE MERIDIEN. Assignée sur le fondement de la contrefaçon et de l’atteinte à la marque notoire, la société Sedo invoquait le bénéfice des dispositions de l’article 6-I de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), arguant de sa qualité de prestataire de stockage se contentant de fournir un service de base de données doublé d’un moteur de recherche.
S’agissant de la qualification de marque notoire attachée à la marque LE MERIDIEN, elle reprochait à la Cour d’appel d’avoir retenu sa responsabilité sans rechercher si la protection d’une marque notoire constituée d’un terme usuel ne trouve pas ses limites dans l’utilisation par des tiers d’un terme identique dans son acception courante. S’agissant de l’étendue de la protection de la marque notoire, la société Sedo n’a pas fait valoir plus tôt l’argument selon lequel les noms de domaine litigieux étaient exploités dans leur sens courant de « méridien » ou, en anglais, « meridian ».
Dès lors, en application du principe d’immutabilité du litige, la Cour de cassation ne pouvait que rejeter l’argument nouveau et portant, au surplus, sur l’appréciation de faits et non sur la stricte application du droit. La Cour de cassation confirme également l’arrêt d’appel excluant l’application du régime de limitation de responsabilité prévu par la LCEN. Pour cela, elle retient que la cour a justifié sa décision en retenant que l’activité de la société Sedo outrepasse le simple cadre de « l’intervention technique sur Internet » dès lors qu’elle offre un service d’expertise permettant d’évaluer les noms de domaine mis en vente sur le site qu’elle édite et qu’elle prélève une commission sur le prix de vente, le cas échéant.
On peut regretter sur ce point que la société Sedo n’ait pas contesté la notoriété de la marque alléguée ni même demandé à la Cour d’appel de se prononcer sur l’étendue de la protection de la marque notoire utilisée par les tiers dans un sens usuel. Cela lui aurait sans doute permis de se rapprocher des affaires Google, faisant actuellement l’objet de questions préjudicielles devant la Cour de justice des communautés européennes, et d’ouvrir le débat sur le point de savoir si la réservation d’un nom de domaine correspondant à une marque arguée de notoriété et son exploitation pour donner accès à des liens commerciaux proposant des produits ou services usuels au regard dudit nom de domaine caractérise « un usage du signe sans juste motif tirant indûment profit de la renommée de la marque » alléguée au sens de l’article 5 de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988.
(Mise en ligne Novembre 2008)