L’examen des dépôts de marques auprès des offices nationaux permet souvent d’avoir un reflet des tendances et, à ce titre, le phénomène du « htag » a ouvert de nouvelles perspectives en matière de stratégie de marque, comme le relevait déjà l’OMPI dans sa revue de septembre 2014 au regard des dépôts de marques aux Etats-Unis.
De la même manière, en France, l’INPI se voit confronté à la multiplication des demandes d’enregistrement de marque correspondant au fameux « mot-dièse ».
Ainsi, le 25 juin 2014, Madame K., se prévalant d’une marque #ashtag déposée en 2012 pour désigner notamment des vêtements, accessoires et bijoux, formait opposition à l’encontre de la demande de marque # HTAG # pour des produits identiques et similaires.
L’opposante faisait valoir que le signe contesté constituait l’imitation de la marque antérieure dont elle est titulaire et que les produits de la demande d’enregistrement contestée étaient identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure.
Le titulaire de la demande d’enregistrement contesté n’a pas répondu.
Le directeur de l’INPI fait partiellement droit à l’opposition retenant qu’il existait un risque de confusion résultant de la grande proximité des signes en conflit et de l’identité et de la similarité des produits en présence.
Selon la décision, le risque de confusion résulte de la même impression d’ensemble qui ressort des deux signes et plus précisément, des fortes similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles conjuguées à l’identité ou à la similarité des produits et à la diversification des entreprises proposant ce type de produits.
Concernant la comparaison des signes, il est évident que ceux-ci présentent des similitudes phonétique, visuelle et intellectuelle. Sur les plans phonétiques et intellectuels, les signes se prononcent de façon strictement identique et font directement référence au terme hashtag (ou htag).
Il convient de préciser que le terme hashtag a été récemment intégré au dictionnaire de la maison d’édition Merriam-Webster qui le définit de la manière suivante :
« mot ou groupe de mot précédé du signe # permettant de classer ou de référencer le texte qui l’accompagne (par exemple un tweet) ».
Concernant la comparaison des produits, la décision rendue se comprend aisément au regard de l’identité et de la similarité des produits concernés.
Pour les « lunettes, articles de lunetterie, étuis à lunettes » désignés dans la demande de marque mais absents du libellé des produits et services de la marque antérieure, l’opposition a été reconnue justifiée à l’encontre de ceux-ci en raison du « risque de voir les produits attribués à une même origine ».
Compte tenu de la diversification des entreprises du secteur de la maroquinerie, le consommateur sera plus d’autant plus susceptible d’attribuer une origine commune aux produits désignés par les marques #HTAG# et ASHTAG que ceux-ci sont susceptibles d’être vendus par les mêmes entreprises et que les signes sont proches.
En tout état de cause, cette solution du directeur de l’INPI est conforme à la jurisprudence selon laquelle le dépôt d’un terme du langage courant à titre de marque est admis à partir du moment où ce terme est distinctif pour les produits et services désignés. La seule limite sera que le titulaire de la marque ne pourra pas s’opposer à l’usage du terme dans son sens courant.
En l’espèce, le htag désigne « un marqueur de métadonnées utilisé sur internet où il permet de marquer un contenu avec un mot-clef plus ou moins partagé » (1). Le htag couramment utilisé sur les réseaux sociaux, permet de faciliter les recherches par thèmes.
Au regard de la définition du htag, ce terme ne comporte pas de liens intrinsèques avec les produits revendiqués par les deux marques.
En revanche, l’Office des brevets et des marques des Etats-Unis d’Amérique (USPTO) n’a pas hésité à rejeter la demande d’enregistrement d’une marque hashtag pour des services liés à des émissions de divertissement interactives, des services de transmission numérique ou de radiodiffusion. L’Office a ainsi estimé que le signe hashtag envisagé ne faisait que décrire les services proposés. En effet, le hashtag étant largement utilisé par les autres acteurs du secteur, le signe hashtag indiquera intrinsèquement au consommateur que ces services impliquent l’utilisation du mot-dièse (2).
La question se pose alors de savoir si le fait d’adjoindre en préfixe le célèbre croisillon ou le terme hashtag dans son orthographe communément acceptée confère un caractère distinctif à un signe lorsque les produits et services désignés ne sont pas liés aux télécommunications ?
Virginie Brunot
Lexing Droit Propriété industrielle
(1) Définition du terme hashtag, décision du directeur de l’INPI du 23 décembre 2014.
(2) OMPI Magazine, Article de Randy Michels, 9-2014