Seule une idée ou concept ayant pris corps est une création susceptible d’être protégée par le droit d’auteur.
C’est ce qu’a affirmé le Tribunal de grande instance de Bordeaux dans son jugement du 8 novembre 2016 dans une affaire opposant la personne à l’origine du concept d’un site internet au développeur dudit site (1).
Les faits
En l’espèce, un agent immobilier a eu l’idée de créer un site internet en vue de la présentation de biens immobiliers et de la mise en relation de vendeurs et de potentiels acquéreurs de ces biens.
Il a donc conclu un contrat de coexploitation portant sur un site internet dénommé « cessionpme.com » avec une société de service informatique spécialisée dans la création et l’exploitation de sites internet.
Aux termes de ce contrat, la société était présentée comme la « conceptrice, réalisatrice et productrice du projet » et il a été précisé qu’elle sera la seule propriétaire du site internet.
En contrepartie des prestations relatives à la promotion du site internet rendues par l’agent immobilier, le contrat prévoyait pour celui-ci une rémunération d’un tiers du chiffre d’affaires généré par le site internet.
Un litige est né entre les parties dont les origines ne sont toutefois pas déterminantes pour les besoins de la présente discussion.
De la nécessité de concrétiser l’idée ou concept du site internet
Dans le cadre de la procédure engagée par l’agent immobilier, ce dernier a revendiqué la copropriété du site internet au motif qu’il s’agissait d’une œuvre de collaboration au sens de l’article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, dont il était le coauteur.
Le droit d’auteur s’applique non aux idées mais aux « œuvres de l’esprit », supposant ainsi une certaine concrétisation de l’idée en la forme d’une création pour qu’elle bénéficie de la protection par le droit d’auteur.
Aussi, le Tribunal de grande instance de Bordeaux, après avoir rappelé le principe sous-jacent du droit d’auteur selon lequel les idées sont de libre parcours et ne sauraient faire l’objet d’une appropriation, a débouté l’agent immobilier de sa demande.
En effet, comme le précise le tribunal, si l’agent immobilier a eu l’idée de créer un site internet, il n’a pas transformé cette idée en une création susceptible d’être protégée par le droit d’auteur.
L’idée du site internet n’a réellement pris corps que lorsque celui-ci a été conçu et développé par la société de service informatique.
Etant donné que l’agent immobilier n’a pas exercé une quelconque activité créatrice, ce qui ce serait traduit notamment par le choix des couleurs, des formes du graphisme, de l’agencement, de la programmation et des fonctionnalités du site internet, celui-ci ne pouvait se voir reconnaître la qualité d’auteur.
Marie Soulez
Viraj Bhide
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) TGI Bordeaux 1e ch. civ., 8-11-2016, M. X c/ Sté Octea Ingénierie.