Pour impulser une stratégie numérique, la commission européenne vient de révéler les éléments marquants de son tableau de bord du développement numérique au sein des pays de l’Union.
Elle constate que les TIC représentent 8 millions d’emplois et 6% du PIB total de l’UE et que les usages deviennent de plus en plus mobiles, au détriment du fixe.
Ces constats sont évidemment corrélés par la situation française des TIC puisque, là aussi, les applications mobiles ont depuis longtemps pris une avance considérable sur celles disponibles sur les réseaux fixes, comme le montre l’engouement pour les téléphones « intelligents » et les tablettes.
Pour autant, la Commission semble regretter que le niveau des investissements réalisés par les entreprises du secteur croissent, en rythme annuel, à un niveau inférieur à celui qui serait requis (et semble t’il de l’ordre de +6%/an) pour que la R&D européenne continue à rester compétitive. En effet, cet effort en matière de R&D est inférieur de moitié à celui des États-Unis, faisant craindre que les pays européens ne se fassent distancer.
Il est vrai qu’à ne voir les bienfaits de la pression concurrentielle dans le secteur des TIC qu’au travers du prisme des avantages apportés aux consommateurs, certains États ont pris le risque de mettre en berne les investissements que seules des marges raisonnables permettent de financer à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an et par opérateur.
Il n’est qu’à regarder le cataclysme que l’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile français est en train de créer. Les estimations de pertes d’emploi, directes et indirectes, oscillent selon les observateurs entre 10 000 et 60 000, sans compter les pertes financières directes et indirectes, notamment pour l’État, que cette arrivée tonitruante génère. La pression sur les marges est telle que la rentabilité de bon nombre d’offres commerciales est remise en question au point que les états-majors sont en train de faire des arbitrages qui risquent de ne pas se faire en faveur de la R&D.
Certes, si tous les pays européens ne sont pas logés à cette enseigne, il n’en reste pas moins que la crise économique qui frappe bon nombre d’entre eux conduit les opérateurs à faire des choix dont il n’est pas besoin d’être grand clerc pour penser qu’ils ne se feront pas, eux non plus, en faveur d’un accroissement de l’effort dans le domaine de la R&D.
Peut-être est-ce une erreur et peut être faudrait-il, au contraire, privilégier l’innovation pour pouvoir repartir d’un bon pied, le moment venu, et protéger les marges et les positions futures ?
S’agissant du rôle des administrations dans le développement des services numériques, la Commission semble corréler la situation financière difficile de certains États avec un développement plus rapide qu’ailleurs des services administratifs en ligne, notant que ceci « (…) montre combien l’administration en ligne peut contribuer au succès des réformes structurelles ».
En clair, plus les administrations se virtualisent, plus cela sert les desseins de la Commission dans le domaine du développement des TIC. Gageons que cette vision ne sera pas partagée par tous les États membres et par tous les citoyens européens.
Restent certaines préoccupations relevées par la Commission, notamment sur le très, voire trop, faible niveau de maîtrise et de compétence des populations en matière d’utilisation des nouvelles technologies. Certes, il ne s’agit pas de faire de chacun d’entre nous un informaticien chevronné, mais le défaut de maîtrise des outils devient un handicap de plus en plus marqué lorsqu’il s’agit d’employabilité des personnes.
Ne pas savoir utiliser les outils de téléphonie sur internet ou les fonctions évoluées des progiciels bureautique est évidemment un handicap majeur dans un monde du travail où le secteur tertiaire, grand consommateur de nouvelles technologies, est sur représenté.
Il est vrai qu’en France le parcours scolaire et universitaire ne prépare pas, ou lorsqu’il le fait, certainement très mal, à ces usages et sauf à ce que les individus puissent compenser leurs lacunes par des actions de formation souvent décidées et financées par eux, l’écart se creusera inexorablement entre les « geeks » et les autres.
Enfin, il est intéressant de noter que le commerce électronique, bien que régulé au plan communautaire, reste presqu’exclusivement une activité nationale. Seul un internaute sur dix aurait déjà acheté sur un site à l’étranger. La Commission explique ce constat par l’existence de barrières linguistiques et par les différences de formalités administratives entre les pays de l’Union. Alors que la part du commerce électronique dans les échanges marchands croît de manière extrêmement importante en France, il y a donc fort à parier que tel ne sera pas le cas au plan communautaire. Or, cela est préoccupant, au moment où les instances européennes cherchent à trouver des relais de croissance pour redynamiser l’investissement et les échanges commerciaux.
Rapport CE-UE 2012 sur les avancées du Digital Agenda Scoreboard
Communiqué Stratégie numérique le tableau de bord 18 06 2012