Indemnisation – La responsabilité consécutive à la perte de données est toujours une épineuse question lors de la négociation des contrats d’infogérance, puis lors de leur exécution. Lors de la survenance d’un tel dommage, le client cherche à obtenir l’indemnisation de son préjudice par une action au fond ou en référé-provision.
La demande de provision sur indemnisation, sur la base des articles 809 alinéa 2 ou 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, nécessite la preuve, par le client demandeur, d’une absence de contestation sérieuse de la créance, et donc que :
- l’obligation d’indemnisation, découlant d’une faute contractuelle ou délictuelle ou d’une obligation de garantie, est indiscutable ;
- le dommage est établi dans son principe et dans son quantum.
Dans un arrêt du 11 février 2014, la Cour d’appel de Lyon a rappelé ce principe (1). En l’espèce, des fichiers avaient disparus suite à une succession de problèmes techniques, nécessitant l’intervention d’une entreprise aux fins de reconstitution desdits fichiers. L’entreprise cliente assigna son prestataire en référé-expertise et demanda sa condamnation provisionnelle à des dommages et intérêts à titre d’indemnisation du préjudice subi. Par ordonnance du 12 décembre 2012, le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon fit droit à ses demandes.
La Cour d’appel de Lyon réforma partiellement cette ordonnance et débouta le client de sa demande de condamnation provisionnelle, qui « ne se heurterait à aucune contestation sérieuse s’il était d’ores et déjà démontré à la fois que des fichiers ont effectivement disparu à la suite de l’incident (…), que [le prestataire] ait une part quelconque de responsabilité dans cette disparition et que cette disparition ait causé un préjudice direct et quantifiable » au client. Tel n’était pas le cas, l’expertise sollicitée visant à ce que l’expert se prononce sur ces éléments.
Cet arrêt rappelle que la justification du préjudice est essentielle en matière d’indemnisation. En effet, le montant de la provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée (2). Or le préjudice n’est jamais présumé.
Il convient que le client établisse la réalité de la perte de données et son impact sur l’entreprise. A défaut, aucune provision ne peut être obtenue. La Cour d’appel a relevé que la demanderesse, « près de trois ans après l’incident (…), se garde de toute démonstration quant à la réalité de son préjudice financier, se contentant d’énumérer les fichiers qu’elle prétend avoir perdus sans expliquer en quoi ces pertes ont affecté ses productions industrielles ou la qualité de ses relations avec ses clients ».
La Cour d’appel précise néanmoins que ce constat, à date, « n’exclut en rien la possibilité d’une nouvelle demande de condamnation provisionnelle en cas de survenance d’un fait nouveau et spécialement au cas où l’expertise permettrait d’asseoir quelques certitudes dans l’ensemble de ces domaines ».
L’urgence étant indifférente, la demande de provision peut intervenir à tout moment, y compris en cours ou après expertise. En tout état de cause, engager une telle action nécessite de disposer de tous les éléments de preuve justifiant du caractère non sérieusement contestable de la faute du prestataire, du préjudice subi, et du lien de causalité direct entre ces éléments.
Jean-François Forgeron
Sophie Duperray
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(1) CA Lyon 8e ch. 11-2-2014
(2) Cass. Com. 20-1-1981 n° 79-13050