Plus aucun salarié ne peut être privé de son indemnité de congés payés même en cas de licenciement pour faute lourde.
Le 2 décembre 2015, la Cour de cassation (1) a transmis au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité aux fins de savoir si l’absence d’indemnité compensatrice de congés payés en cas de rupture du contrat de travail pour faute lourde, telle que prévue à l’article L. 3141-26, alinéa 2, du Code du travail, était conforme à la Constitution.
Le requérant soutenait que cette disposition portait atteinte à l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946 garantissant la protection de la santé, le droit au repos et aux loisirs. Mais c’est sur le fondement du principe d’égalité devant la loi que le Conseil Constitutionnel a censuré la disposition litigieuse.
L’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail prévoyait que lorsque le contrat de travail était rompu avant que le salarié ait bénéficié des congés auxquels il avait droit, il recevait une indemnité compensatrice de congés payés, au prorata des congés dont il n’avait pas disposé. Néanmoins, une exception était prévue. Cette indemnité de congés payés n’était pas accordée au salarié licencié pour faute lourde. Ainsi, dès lors qu’il était démontré que le salarié avait eu l’intention de nuire à son employeur, le salarié était privé de cette indemnité.
Toutefois, les choses n’étaient pas si simples puisque l’article L. 3141-28 du Code du travail apportait une exception à cette exception, laquelle a permis au Conseil Constitutionnel de relever d’office une atteinte au principe d’égalité devant la loi.
En effet, le Conseil Constitutionnel a souligné que la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés ne s’appliquait pas uniformément à l’ensemble des salariés auteurs de faute lourde. Sur le fondement de l’article L. 3141-28 du Code du travail, l’exception de l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 ne s’applique pas aux salariés dont l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés. En d’autres termes, la combinaison de ces deux dispositions amenait à traiter différemment les salariés licenciés pour faute lourde selon qu’ils travaillaient pour un employeur affilié à une caisse de congés.
Dans sa décision QCP du 2 mars 2016 (2), le Conseil Constitutionnel a censuré l’article L. 3141-26, alinéa 2, du Code du travail en raison d’une atteinte au principe d’égalité devant la loi, principe garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La différence de traitement, fondée sur l’affiliation de l’employeur à une caisse de congés, est sans rapport avec les règles relatives à l’indemnité compensatrice de congés payés, en ce qu’elle relève de la situation de l’employeur et non de celle du salarié fautif.
Par conséquent, le Conseil Constitutionnel a censuré cette disposition, et la déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet le 4 mars 2016.
Désormais, tous les salariés, même licenciés pour faute lourde, ont droit à l’octroi d’une indemnité de congés payés. La différence indemnitaire qui différenciait le licenciement pour faute lourde du licenciement pour faute grave a disparu.
Par cette décision favorable au salarié fautif, le Conseil Constitutionnel réduit la frontière, de plus en plus ténue, entre le licenciement pour faute grave et le licenciement pour faute lourde.
Emmanuel Walle
Clémentine Joachim
Lexing Droit Travail numérique
(1) Cass. soc. 2-12-2015, n° 15-19597.
(2) Décision n°2015-523 QPC du 2-3-2016 : Absence d’une indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail provoquée par la faute lourde du salarié.