Une assignation fondée sur une injure non publique et sur l’article 9 du Code civil est nulle. Le premier alinéa de
l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse énonce que « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite ».
Le syndicat des Dentistes solidaires et indépendants avait adressé à l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, ainsi qu’à d’autres destinataires, un courrier électronique ayant pour objet « Les escrocs du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes », rédigé en ces termes : « Pour tenter de faire taire Rudyard X…qui dénonçait le pillage de nos cotisations obligatoires, des membres du CNO ont commis les délits suivants : intimidation de partie civile, dénonciation calomnieuse, atteinte à la liberté de réunion, faux et usage de faux, escroquerie au jugement en bande organisée, atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté syndicale, faux témoignage… Nous réclamons la démission immédiate des délinquants ».
Ce texte était suivi de dix photographies de membres du Conseil de l’ordre, comportant la mention « escroc » inscrite en caractères gras au bas de l’image et, au-dessous de celle-ci, l’indication du nom de la personne et de sa fonction.
Les membres du Conseil de l’Ordre visés dans ce courrier électronique ont alors assigné le syndicat sur le fondement des articles R.621-2 du Code pénal, 9 du Code civil et 808 et 809 du Code de procédure civile, s’estimant victimes d’une injure non publique et d’atteinte au droit à l’image.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 25 novembre 2015 (1), a cassé l’arrêt rendu le 28 octobre 2014 par la Cour d’appel de Paris et qui avait « statué sur les mérites de l’assignation » en jugeant, au visa de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicable en matière d’une injure non publique, que « l’assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé et énoncer le texte de loi applicable ; qu’est nulle une assignation qui retient pour les mêmes faits une double qualification fondée sur la loi du 29 juillet 1881 et sur l’article 9 du code civil ».
Par cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’aligne avec une jurisprudence constante qui précise qu’est nulle une assignation qui retient pour les mêmes faits une double qualification fondée :
- sur la loi du 29 juillet 1881 et sur l’article 1382 du Code civil ;
- et selon, une jurisprudence plus récente de la première chambre civile sur la loi du 29 juillet 1881 et sur l’article 9 du Code civil (2).
Cet arrêt confirme une jurisprudence établie en matière de presse dont l’objectif est de préserver les droits de la défense, et selon laquelle « les allégations incriminées se référant à un fait unique ne pouvaient recevoir une qualification cumulative sans que fût créée, contrairement aux prétentions du moyen, une incertitude dans l’esprit des prévenus quant à l’objet de la poursuite » (3).
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Presse et pénal numérique
(1) Cass. 1e civ., 25-11-2015, n°14-28117.
(2) Cass. 1e civ., 4-2-2015, n°13-16263.
(3) Cass. crim., 16-1-1990, n°89-81349.