Lors de poursuites en matière de diffamation publique, l’infraction est caractérisée s’il est démontré que les propos ont été diffusés publiquement, qu’ils imputent des faits précis à une personne déterminée et qu’ils portent atteinte à l’honneur et à la considération de cette dernière. De son côté, le prévenu peut se défendre, tout d’abord, en démontrant la véracité des propos poursuivis puis, dans un second temps, en prouvant sa bonne foi.
La bonne foi du prévenu ne peut être constatée que s’il est démontré l’existence de quatre conditions cumulatives : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence dans l’expression et l’existence d’une enquête préalable sérieuse.
C’est au niveau de la démonstration de la bonne foi qu’intervient la notion de sujet d’intérêt général, dont l’arrêt de chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 septembre 2013 en est l’une des illustrations les plus poussées (1).
En effet, la Cour de cassation, fidèle à une jurisprudence déjà dense, considère, au visa du deuxième alinéa de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, que lorsque les propos diffamatoires sont tenus dans le cadre d’un sujet d’intérêt général, « la liberté d’expression autorise la mise en cause des personnes avec une dose d’exagération qui exclut toute condamnation pour injure ou diffamation publique ».
Autrement dit, lorsque l’auteur de propos attentatoires à la réputation traite d’un sujet d’intérêt général, il pourra bénéficier de l’excuse de bonne foi alors même que les quatre conditions cumulatives de la bonne foi ne sont pas réunies.
C’est ainsi que, bien qu’il ait été constaté une absence de prudence dans l’expression du journaliste et une absence d’enquête sérieuse, la Haute juridiction, dans son arrêt du 10 septembre 2013, estimant que les écrits poursuivis portaient, en toile de fond, sur le conflit israélo-palestinien, a considéré qu’ils ne « dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression sur le sujet d’intérêt général » et a , en conséquence, fait bénéficier le journaliste de l’excuse de bonne foi.
Si l’on comprend la volonté de la Cour de cassation de mettre en balance la liberté de la presse et d’expression avec le droit à l’honneur et à la considération, on peut toutefois regretter l’invocation de plus en plus récurrente à la notion, parfois floue, de sujet d’intérêt général, sur des thèmes aussi divers que l’affaire des disparus de l’Yonne (2), le rachat d’une compagnie d’assurance par une banque (3) ou encore sur la période des khmers rouges (4).
La critique porte également sur l’arrêt du 10 septembre 2013, où les écrits poursuivis ne traitaient pas à proprement parler du conflit israélo-palestinien mais concernent plus spécifiquement Monsieur Jamal Z, connu suite à un reportage de France 2 où on le voyait tenter de protéger son fils mortellement blessé suite à un échange de tirs entre israéliens et palestiniens.
Il conviendrait que la Cour de cassation précise le cadre de la notion de sujet d’intérêt général au risque de laisser penser que tout thème abordé sous un certain angle pourrait bénéficier de cette appellation.
Virginie Bensoussan-Brulé
Julien Kahn
Lexing Droit Vie privée et Presse numérique
(1) Cass. crim. 10-9-2013 n° de pourvoi 12-81990
(2) Cass. crim. 12-5-2009 n°08-85732
(3) Cass. crim. 11-3-2008 n°06-84712
(4) Cass. crim 17-4-2011 n° 10-83771