Dans la plupart des contrats informatiques, il n’est pas anodin d’y trouver une clause permettant au vendeur et/ou prestataire de réclamer, en cas de retard de paiement du client, des intérêts de retard.
L’article L. 441-6, alinéa 12, du Code de commerce énonce que « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.
Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire ». Dès lors, il est indispensable de prévoir le taux d’intérêt des pénalités de retard.
L’article L.441-6 du Code de commerce prévoyant uniquement que les pénalités de retard ne peuvent être inférieures à 3 fois le taux d’intérêt légal, une entreprise peut donc opter pour un taux supérieur et notamment choisir de se référer au taux de refinancement de la banque centrale européenne (BCE) (1%) majoré de 10 points (soit 11%).
Eu égard à l’importance du montant des intérêts de retard pouvant résulter de ce calcul, il convient de s’interroger sur la nature et le régime juridique des intérêts de retard afin de déterminer dans quelle mesure le juge peut intervenir pour diminuer leur montant s’il l’estime abusif, comme il le ferait pour une clause pénale ?
La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 2 novembre 2011. Dans cette affaire, la société Papeteries de Turckheim a, par lettre du 15 janvier 2009, demandé à la société EDF de pouvoir bénéficier du tarif réglementé de vente d’électricité dans le cadre d’un contrat de fourniture d’électricité à mettre en place. Celle-ci lui a répondu le 10 février 2009, qu’il ne lui était pas possible de donner une suite favorable à cette demande, dans la mesure où la société Matussière et Forest avait précédemment exercé ses droits à éligibilité.
La société Papeteries de Turckheim a alors fait assigner la société EDF afin d’obtenir le bénéfice du tarif réglementé, et ce, de façon rétroactive à la date de la demande exprimée le 15 janvier 2009.
Afin de tenter d’obtenir une diminution des intérêts de retard, la société Papeteries de Turckheim soutient que les pénalités mises à la charge de l’acheteur en cas de retard de paiement par l’article L. 441-6 du Code de commerce s’apparentent à une somme due au titre d’une clause pénale, dès lors que :
– ces pénalités fixent par avance le montant de l’indemnisation du préjudice résultant de l’exécution tardive de l’obligation ;
– présentent un caractère comminatoire pour le débiteur en raison du taux d’intérêt prévu qui est très supérieur au taux légal.
Dans ces conditions, et en se fondant sur l’article 1152 du Code civil relatif à la clause pénale selon lequel « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire», la société Papeteries de Turckheim estime que les intérêts de retard doivent être réduites par le juge lorsqu’elles présentent un caractère manifestement excessif.
Or, cette argumentation est écartée par la Cour de cassation qui rappelle que les dispositions de l’alinéa 6 de l’article L. 441-6 du Code de commerce sont des dispositions légales supplétives et, par conséquent, que les pénalités dues par application de ce texte ne constituent pas une clause pénale et ne peuvent donc être réduites en raison de leur caractère abusif. Ainsi, les pénalités dues de plein droit si la facture est payée hors délais ne peuvent pas être réduites par le juge et sont donc bien des intérêts de retard.
La clause pénale résulte du contrat alors que les intérêts de retard sont prévus par la loi. Contrairement aux dispositions contractuelles, lesquelles peuvent faire l’objet d’une modification, si besoin est, par le juge, celui-ci est tenu d’appliquer la loi et pas d’en modifier les termes.
Toutefois, si le vendeur, ou le prestataire, prévoit expressément dans ses documents contractuels des intérêts de retard excédant le montant des intérêts supplétifs de l’article L.441-6 du Code de commerce, alors, les intérêts contractuels pourraient potentiellement être réduits par le juge, sans toutefois descendre en-deçà des pénalités de retard légales.