A notre connaissance, c’est une première : l’ Arcep vient d’user des dispositions de l’article L. 36-10 du Code des postes et communications électroniques (CPCE) pour informer le Procureur de la République de Paris de ce que la société Skype refusait de se déclarer auprès d’elle en qualité d’opérateur de communications électroniques.
L’article L. 36-10 permet au Président de l’ Arcep :
- de saisir l’autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant la libre concurrence dans le secteur des communications électroniques ;
- d’informer le Procureur de la République de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.
L’activité de fourniture de services de communications électroniques au public (comme le service téléphonique consistant en l’acheminement de la voix sur des réseaux fixes ou des réseaux mobiles, ou encore le transport de données) et une activité qui, au titre des dispositions de l’article L. 33-1 du CPCE requiert la réalisation d’une formalité de déclaration préalable auprès de l’ Arcep.
Si cette obligation peut être assortie de quelques exceptions, également prévues par les dispositions des articles L. 33-1 et suivants du CPCE, sa non réalisation expose l’opérateur contrevenant aux sanctions prévues par les dispositions de l’article L.39 du CPCE qui prévoit une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 75 000 euros pour :
- « établir ou faire établir une réseau ouvert au public, sans que la déclaration prévue à l’article L. 33-1 ait été faite, ou de la maintenir en violation d’une décision de suspension ou de retrait du droit d’établir un tel réseau ;
- de fournir ou de faire fournir au public ou de commercialiser un service de communications électroniques, sans que la déclaration prévue à l’article L. 33-1 ait été faite, ou de le maintenir en violation d’une décision de suspension ou de retrait du droit de fournir un tel service. »
Ce différend entre l’Arcep et la société Skype n’est pas nouveau et on peut voir là la manifestation d’une certaine impuissance de l’autorité à ramener la société Skype dans le chemin de la régulation des communications électroniques.
En effet, la société Skype a toujours soutenu que son activité, loin d’être celle d’un fournisseur de services de communications électroniques, était en réalité une activité d’éditeur de logiciels. Certes, ses logiciels qui permettent d’établir des communications entre utilisateurs du produit, sur leurs téléphones mobiles ou fixes ou via leurs ordinateurs. Mais il s’agit, pour elle, d’opérations de transfert de données entre des équipements terminaux qui n’auraient que peu de lien avec l’activité d’opérateurs de communications électroniques.
Le raisonnement trouve très vite ses limites, dans la mesure où les échanges de communications que la société Skype autorise sont clairement des échanges qui permettent, effectivement, au « public », c’est-à-dire à l’ensemble des utilisateurs de son logiciel, d’entrer en communication avec tous les autres utilisateurs, partout dans le monde, et ce, moyennant une rémunération, souvent calculée comme le ferait un opérateur « classique », c’est-à-dire au temps passé ou au volume de données échangées.
L’enjeu pour la société Skype est de taille : le statut d’opérateur de communications électroniques n’est pas qu’honorifique. L’inscription sur la liste des opérateurs entraîne l’obligation, pour l’opérateur concerné, de respecter les contraintes mises à sa charge par le CPCE et, notamment son article L. 33-1, et de régler un certain nombre de taxes et redevances.
Reste maintenant à savoir quel sort le Procureur de la République réservera à l’information qu’il a reçue et s’il décidera, ou non, d’engager des poursuites pénales.
Frédéric Forster
Lexing Droit Télécoms
Communiqué de presse Arcep du 12 mars 2013.