Si elle est envisageable, la protection en tant que marque communautaire des signes composés exclusivement par une couleur ou une combinaison de couleurs semble toutefois grandement restreinte par les conditions d’appréciation du caractère distinctif de ces signes. Ces conditions d’appréciation ont été à nouveau consacrées par deux arrêts du 12 novembre 2010 (1) rendus par le Tribunal de l’Union européenne (TUE), à l’occasion d’une même affaire relative à deux demandes de marques communautaires, consistant en une combinaison de couleurs, qui avaient été rejetées par l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI) pour absence de caractère distinctif sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du Règlement (CE) n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire.
Le TUE a rejeté les deux recours formés par la requérante, à l’encontre des deux décisions de refus de protection de l’OHMI, et confirme ainsi le défaut de distinctivité des signes dont l’enregistrement était demandé. Il rappelle que les couleurs ou combinaison de couleurs, pour constituer une marque apte à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux des autres entreprises, doivent être capables de transmettre des informations précises, notamment quant à l’origine d’un produit ou d’un service. Or, cette capacité est remise en cause par le fait que les couleurs ou combinaison de couleurs sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et services pour leur caractère attractif et afin de susciter des sentiments.
Compte tenu de ce qui précède, la jurisprudence communautaire (2) soumet la reconnaissance du caractère distinctif d’une couleur ou combinaison de couleurs à la réunion de circonstances exceptionnelles. Le TUE confirme cette position dans les termes suivants : « sauf dans des circonstances exceptionnelles, les couleurs n’ont pas un caractère distinctif ab initio, mais peuvent éventuellement l’acquérir à la suite d’un usage en rapport avec les produits ou les services visés par la demande de marque communautaire. (…) En revanche, dans le cas d’une marque en elle-même, l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique ».
Par ailleurs, lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une couleur ou combinaison de couleurs, il convient de tenir compte du risque inhérent à l’enregistrement de ces signes, à savoir la restriction de la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits et services similaires à ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé.
Enfin, le TUE rappelle que l’appréciation du caractère distinctif d’un signe, qu’il soit verbal ou non, ne peut être réalisée que, d’une part, par rapport aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
Les deux arrêts précités ont également été l’occasion pour le TUE de clarifier les modalités d’appréciation du caractère distinctif d’une couleur ou combinaison de couleurs. Ainsi, le TUE précise qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre une marque de couleur selon qu’elle désigne des produits ou bien des services. De la même manière, il n’y a pas lieu d’opérer de distinction entre les marques composées d’une seule couleur et celles consistant en une combinaison de couleurs.
(1) TUE du 12 novembre 2010, affaire T-404/09
(2) TUE du 12 novembre 2010, affaire T-405/09
(3) TPICE 12-8-2008 GretagMacBeth LLC c. Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) T-400/07 ; TPICE 12-9-2010 KUKA Roboter GmbH c. Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) T-97/08 ; CJCE 21-10-2004 KWS Saat AG c. Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) C-447/02 P.