Polyanna Bigle – Sur la lancée, la lettre recommandée électronique est vouée à de nombreuses applications pour tous.
A la question écrite du parlementaire M. Lionel Tardy posée en juillet 2012, il aura fallu attendre près d’un an pour que Mme la Garde des Sceaux y réponde … par écrit en confirmant la volonté de généraliser l’utilisation de la lettre recommandée électronique (« LRE ») durant toutes les phases de la vie d’un contrat.
Petit rappel : Avec la même valeur juridique que la lettre recommandée papier, la LRE est en mise en place depuis 2005 dans l’article 1369-8 du Code civil au sein de la section III intitulée « De l’envoi ou de la remise d’un écrit par voie électronique », complété par les textes d’application d’avril 2011. Les conditions préalables du texte peuvent paraître strictes, mais en réalité elles ont vocation à couvrir de nombreuses utilisations.
Champs d’application. En effet, le texte de l’article 1369-8 précité prévoit que « une lettre recommandée relative à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat peut être envoyée par courrier électronique ». Si les puristes du droit pouvaient en douter, la réponse parlementaire confirme que « Si ce texte ne mentionne pas expressément la possibilité de solliciter également selon ce procédé la résiliation d’un contrat, il y a lieu de considérer qu’une telle modalité pourrait aussi être utilisée, dès lors que la résiliation, qui permet à l’une des parties de mettre fin à un contrat, notamment lorsque l’autre partie n’exécute pas ses obligations, est une modalité « relative à l’exécution du contrat » (1).
La LRE a donc bien vocation à couvrir tous les contrats (de droit privé ou de droit public, entre professionnels, entre particuliers ou mixtes), de leur conclusion, exécution, jusqu’à leur résiliation. Le seul « bémol » serait une disposition expresse contraire applicable à des contrats spécifiques.
Conditions. L’expéditeur choisira les modalités pratiques d’envoi de la LRE : « hybride » lorsqu’elle est imprimée par le prestataire d’acheminement et distribuée matériellement au destinataire, ou « full » électronique (Intégralement électronique) lorsqu’elle est intégralement acheminée par voie électronique.
Les avantages de la LRE se trouvent dans le cœur même de ses conditions de validité à savoir : identifier le prestataire technique d’acheminement, désigner (clairement) l’expéditeur et surtout garantir l’identité du destinataire (lui-même et pas le gardien de l’immeuble, ni la voisine) ainsi qu’établir si la lettre a été remise ou non à son destinataire. En « full électronique », la LRE permet de s’affranchir des contraintes de localisation : il n’est donc plus nécessaire d’être à son domicile, ou en France, ou d’attendre les heures ouvrables d’un bureau, pour recevoir une LRE.
Un préalable est toutefois exigé du destinataire non professionnel : dans l’hypothèse de la LRE « full » électronique, il doit avoir à l’avance soit demandé l’envoi de la LRE par voie électronique, soit en avoir déjà accepté l’usage. Entre professionnels, la voie est donc libre. En B to C, la voie n’est cependant pas plus compliquée dès lors que la LRE est prévue et acceptée.
Mieux encore : le prestataire chargé de l’acheminement doit remettre la preuve du dépôt à l’expéditeur … et doit aussi garder pendant une année les informations de preuve de dépôt et surtout, le document original électronique et son empreinte électronique : l’avantage est gagnant puisque la preuve du contenu même de la LRE est préservée. « Exit » les enveloppes vides et les risques associés.
Prospective. La LRE va pouvoir se généraliser de la naissance à la fin d’un contrat. A l’heure de l’utilisation massive des méls et de la mobilité, il serait pour le moins judicieux de voir étendre le champ d’application de l’article 1369-8 du Code civil relatif à « l’envoi d’un écrit par voie électronique » sous forme recommandée électronique, à un périmètre connexe voire non contractuel tel que : la convocation à l’entretien préalable au licenciement, la convocation aux assemblées d’actionnaires, ou de copropriétaires, etc.
Ceci permettrait d’éviter de recourir à un texte spécifique chaque fois que la question de la dématérialisation d’un processus d’échange documentaire se pose dans un secteur particulier.
Les conseils. La dématérialisation des lettres recommandées devra s’organiser au préalable. Coté client, il conviendra d’effectuer une analyse de risques et encadrer le choix du prestataire (consultation, prérequis juridiques). Côté prestataire, il est judicieux de fournir une « legal opinion ».
Enfin pour sécuriser le processus de LRE : il conviendra de mettre en place l’architecture contractuelle (contrats prestataires, conditions générales de services, convention de preuve et d’acceptation préalable) et d’effectuer toutes les démarches nécessaires (Cnil, IRP, etc…).
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(1) Réponse ministérielle n°191 du 11-6-2013.