La question de la réglementation des loot boxes se pose car elles seraient susceptibles de créer une addiction chez le joueur.
Les butins les plus rares peuvent parfois être revendus entre les joueurs sur un marché parallèle, non autorisé par l’éditeur dans ses conditions générales d’utilisation (en anglais « real money transaction ou RMT »), pour des sommes conséquentes (le butin « dragon lore », purement cosmétique dans le jeu CSGO, est actuellement vendu aux alentours de 700 dollars).
Nul ne peut nier ainsi l’engouement que les loot boxes suscitent chez les joueurs, certains « streamers » sur plateformes dédiées comme Twitch attirant chaque jour des milliers de spectateurs pour des sessions en direct dédiées à l’ouverture de loot boxes. Une rapide recherche « cases opening » sur Youtube permet également de constater l’ampleur du phénomène.
Aussi, les récentes polémiques autour du jeu Star Wars Battlefront 2 ont mis en avant une autre difficulté devant être analysée au regard du droit de la consommation. En effet, la communauté de joueurs s’est vivement opposée à l’intégration de loot boxes dans le dernier jeu phare de l’éditeur Electronic Arts, dans la mesure où ces achats supplémentaires seraient, selon eux, nécessaires pour terminer le jeu.
Le sujet de la réglementation des loot boxes est d’autant plus d’actualité que le géant coréen Nexon s’est très récemment vu infligé une amende record de plus de 850.000 $ pour avoir vendu aux joueurs des loot boxes sans les informer que l’un des butins avait un taux de « drop » extrêmement réduit.
État des lieux de la règlementation des loot boxes dans le monde
Belgique
Ce pays enquête actuellement sur la problématique afin de clarifier la qualification juridique devant être apporté à ce phénomène et, le cas échéant, l’application de la législation belge relative aux jeux de hasard.
Australie
La Commission de réglementation des jeux et des boissons alcoolisés de l’Etat du Victoria aurait déclaré au site Kotaku que les loot boxes étaient, selon elle, une certaine forme de jeu d’argent au regard de la législation locale. Elle reconnait toutefois que la véritable difficulté juridique se situe sur l’application territoriale de leur législation. Elle estime que la difficulté réside en ce que rien n’interdit de proposer ces services en ligne depuis des sites internet hébergés depuis des pays l’autorisant.
Chine
Depuis le 1er mai 2017, la Chine, sans interdire aux éditeurs l’intégration de loot boxes dans leurs jeux, leur impose de révéler les pourcentages d’obtention des butins inclus dans les loot boxes et de les communiquer au public. Il est désormais interdit en Chine d’acquérir des loot boxes avec de l’argent réel ou virtuel et chaque butin doit pouvoir être obtenu par le joueur par d’autres moyens. Enfin, les pourcentages de gains doivent être conservés par l’éditeur pour une période minimum de 90 jours.
Royaume-Uni
Certains joueurs ont été jusqu’à lancer une pétition sur le site du Parlement britannique, un système permettant aux citoyens d’attirer l’attention sur des sujets de société. La pétition ayant obtenu plus de 10000 signatures, le député travailliste, Daniel Zeichner, s’est alors saisi de la question et a soumis deux questions écrites (106043 et 106042) à la secrétaire d’Etat en charge du numérique, de la culture, des médias et du sport laquelle a, en réponse, renvoyé aux mesures éditées en mars 2017 par la Commission des paris (Gambling Commission), faisant ainsi un lien entre loot boxes et réglementation des jeux de hasard.
Outre-Atlantique
L’ESRB (Entertainment Software Rating Board) (1) a considéré fin 2017 que les jeux contenants des loot boxes ne devaient pas être classifiés en jeu pour adulte. Elle estime que les loot boxes ne relèvent pas des mécanismes des jeux d’argent, car, bien qu’il y ait un élément de chance, le joueur a toujours la garantie de recevoir un contenu du jeu (même si le joueur infortuné ne reçoit pas forcément l’objet qu’il espère).
Qualifiant les loot boxes de « mécanismes prédateurs conçus pour exploiter la psychologie humaine et forcer les joueurs à dépenser plus d’argent, comme dans un casino », un parlementaire américain a présenté le 9 février 2018 deux projets de loi pour l’État de Hawaii (House Bill 2686 et Senate Bill 3024) visant à prohiber la vente aux moins de 21 ans de jeux vidéo incluant « tout système d’achat postérieur, en ce compris des récompenses liées au hasard ou des éléments virtuels qui peuvent être échanger pour recevoir directement ou indirectement de telles récompenses ».
Deux projets de loi supplémentaires (toujours pour l’État de Hawaii) (House Bill 2727 et Senate Bill 3025) ont été déposés pour obliger les éditeurs de jeux comportant ces mécanismes à indiquer les pourcentages de gain, et les contraindre à apposer sur leurs produits la mention selon laquelle le jeu contient des mécanismes d’achat ou de pari pouvant être nocifs ou pouvant provoquer une addiction chez le joueur.
En réponse, l’ESRB a par l’intermédiaire de son compte twitter, publié un message le 27 février 2018 dans lequel elle revient sur sa position. Elle créée un label « achat intégré » qui devra être clairement apposé sur la boite du jeu vidéo (ou lors de son téléchargement) en ce compris notamment les achats de loot boxes. Elle créé également un site web « ParentalTools.org » afin de présenter aux parents les outils leur permettant de contrôler le temps de jeu et l’argent dépensé par leurs enfants dans le jeu.
France
La réglementation des loot boxes est à l’étude. En France, l’article L.322-2 du Code de la sécurité intérieure interdit les loteries offertes au public, présentant pour le joueur une espérance de gain, avec intervention du hasard dans la détermination du gagnant, contre un sacrifice financier. Se pose nécessairement de savoir si les loot boxes sont de telles loteries interdites ou doivent faire l’objet d’une réglementation propre.
En réponse à la question du sénateur Jérôme Durain transmise le 16 novembre 2017, Charles Coppolani, président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), a adressé une lettre le 20 novembre 2017 dans laquelle il identifie trois dérives possibles que l’Arjel estime devoir traiter :
- des transactions quasi obligatoires dans le cours du jeu et qui se rajoutent au prix d’achat initial, sans que le joueur en ait été clairement informé (protection du consommateur) ;
- un produit totalement aléatoire qui revient à introduire un jeu payant de loterie dans un jeu vidéo ;
- une espérance de gain en argent par la revente des butins à d’autres joueurs.
Pour étudier et éventuellement proposer une réglementation des loot boxes, elle propose de collaborer avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pour les aspects relevant de la protection des consommateurs et ouvre une discussion avec ses homologues belges, britanniques et hollandais sur la question.
Plus localement, elle propose une réflexion sur la définition française du jeu d’argent dans le cadre du rapport de suivi actuellement en cours à l’Assemblée nationale, au sein du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur l’évolution de la régulation des jeux d’argent et de hasard en France.
Dans un autre courrier adressé le 22 novembre 2017 à l’association UFC Que choisir, l’Arjel propose également de trier les différentes pratiques afin d’isoler celles devant ou pouvant faire l’objet d’une réglementation. Le président de l’Arjel a utilement précisé qu’il n’était « pas possible d’avoir une position globale » concernant les loot boxes compte tenu du fait que, selon les jeux, elles répondent diversement aux conditions nécessaires à qualifier un jeu d’argent.
De son côté, l’industrie du jeu vidéo reste hostile à cette intervention des autorités publiques, et estime que la solution devrait émaner non pas du législateur mais de l’autorégulation de l’industrie elle-même.
La question de la réglementation des loot boxes en France reste donc entière même si une évolution législative semble désormais promise.
Marie Soulez
Guillaume Paugam
Lexing Propriété intellectuelle Contentieux
(1) L’Entertainment Software Rating Board (ESRB) est une organisation autorégulée qui estime à quel âge conviennent les jeux vidéo et le signale au travers de symboles sur les boîtes de jeux vidéo, dans les publicités et sur les sites web, en Amérique du Nord et au Mexique.