L’entrée en application récente de MiFID II est l’occasion de faire le point sur la régulation du trading algorithmique.
Depuis le 3 janvier 2018, MiFID II (1) bouleverse tous les domaines de la finance en apportant pour la première fois un cadre règlementaire au trading algorithmique.
Ses dernières années, le trading algorithmique n’a cessé de gagner en importance sur les places boursières. S’il présente des avantages, il n’est pas sans risque : flash crash du 6 mai 2010, perte de contrôle ou interactions défavorables entre les algorithmes etc. Le dernier exemple c’est la chute de 700 points qu’a connue le Dow Jones en l’espace de 20 minutes le 6 février 2018.
Afin de prévenir ces éventuelles perturbations du marché, MIFID II prévoit un régime propre au trading algorithmique auquel les entreprises d’investissements sont tenues de se conformer.
En voici les éléments essentiels :
Qu’est-ce que le trading algorithmique ?
Le trading algorithmique désigne avant tout la négociation automatique d’instruments financiers, c’est-à-dire avec une intervention humaine limitée ou nulle.
L’algorithme informatique détermine les ordres selon des paramètres prédéfinis : opportunité, moment de leur émission, conditions de prix, quantité, etc.
Tous les algorithmes, même simples, sont-ils concernés ?
Sur cette question, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ; en anglais l’ESMA) est catégorique : l’utilisation d’algorithmes qui n’incluent qu’un petit nombre de processus (par exemple, des cotations reproduisant les prix pratiqués par une plateforme de négociation) n’exclut pas la qualification d’activité de trading algorithmique (2).
Quelles étapes du processus de négociation sont concernées ?
MiFID II semblait se focaliser sur la création d’ordres, en excluant notamment le traitement post-négociation des transactions exécutées (Directive MiFID II, cons. 59) (1). Néanmoins, il apparait que le trading algorithmique ne se limite pas à ce seul traitement. L’acheminement et l’exécution des ordres sont également concernés.
La Commission européenne a effet souhaité étendre la règlementation sur le trading algorithmique à toutes les étapes du processus de négociation.
C’est pourquoi, le règlement délégué du 25 avril 2016 (3) est venu préciser que le trading algorithmique désigne non seulement la négociation d’ordres mais également l’optimisation de leur processus d’exécution.
Ainsi, dans certains cas, l’utilisation d’un smart order router (4), capable de déterminer des paramètres autres que la ou les plates-formes sur lesquelles l’ordre doit être soumis, constitue une activité de trading algorithmique.
En revanche, à défaut d’optimisation, les mécanismes utilisés uniquement pour :
- l’acheminement des ordres vers une ou plusieurs plates-formes de négociation ;
- le seul traitement d’ordres en l’absence de paramètre de négociation ;
- la confirmation d’ordres ; ou
- le traitement post-négociation des transactions exécutées ;
sont exclus de la nouvelle règlementation (Art. L.533-10-3 du code monétaire et financier).
Par ailleurs, l’utilisation d’algorithmes qui ne servent qu’à informer un trader d’une opportunité d’investissement sans exécuter l’ordre n’est pas non plus concernée (2).
Quelles sont les obligations liées au recours au trading algorithmique ?
Les acteurs recourant au trading algorithmique doivent désormais respecter les obligations suivantes :
- Mettre en place des mesures destinées à garantir la résilience de leurs systèmes de négociation ;
- Notifier à l’Autorité des marchés financiers leur recours à la négociation algorithmique ;
- Mettre à la disposition du régulateur une documentation incluant la description des stratégies de trading algorithmique, les paramètres de négociation ainsi que les limites et principaux contrôles de conformité auquel le système est soumis ;
- Conserver un enregistrement des activités de négociation algorithmique.
Qu’en est-il du trading à haute fréquence (HFT) ?
Le trading à haute fréquence désigne un sous-ensemble du trading algorithmique caractérisé par :
- une infrastructure destinée à minimiser les latences, c’est-à-dire le temps entre la soumission d’un ordre et l’exécution ;
- sans intervention humaine ;
- avec un débit intrajournalier élevé de messages (CMF art. L.533-10-3).
A titre d’exemple, la colocalisation est une technique de trading à haute fréquence consistant à utiliser des serveurs placés au plus proche des places boursières afin de gagner en rapidité d’accès au marché. Au cours du dernier trimestre, la bourse Nasdaq a réalisé 156 millions de dollars, soit le quart de son chiffre d’affaires, en commercialisant ce type d’accès.
L’activité de trading à haute fréquence est soumise à des exigences renforcées.
En plus des obligations liées au trading algorithmique, les acteurs concernés devront tenir un registre précis et chronologique de tous les ordres passés. Ce registre comprend également les annulations d’ordres, les ordres exécutés et les cotations sur les plates-formes de négociation.
Que faire en cas de retard ?
En cas de retards pris dans la mise en conformité à MIFID II, les entreprises d’investissement concernées doivent veiller à être en mesure de présenter au régulateur un plan de mise en conformité précis et en cours de déploiement.
Didier Gazagne
Gabriel de Bousquet
Lexing Cyberdéfense – cybersécurité
(1) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15-5-2014 concernant les marchés d’instruments financiers , dite « MiFID II »
(2) ESMA, Questions and Answers on MiFID II and MiFIR market structures topics, 29 mai 2018, mis à jour en octobre 2018.
(3) Règlement délégué (UE) 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016 complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive.
(3) Un smart order router (SOR) est système d’acheminement automatique des ordres.