Une société, dont l’activité est l’organisation de salons professionnels, a conclu un contrat pour la fourniture d’un système informatique de gestion (licences, intégration et maintenance). En l’absence de solution exploitable un an après la date de livraison prévue, le client a résilié le contrat, obtenu le remboursement, par le fournisseur, des factures payées, et mis en demeure ce dernier de lui verser en outre 410 604 € de dommages et intérêts.
Face au refus du prestataire de l’indemniser, l’organisateur de salons a saisi le Tribunal de commerce pour obtenir des dommages intérêts, chiffrés à 643 538 €, dont 581 125 € de coûts de personnel interne. Ces coûts salariaux internes concernaient environ 90 salariés permanents de l’entreprise, pour 20% à 80% de leur temps de travail pendant la durée du projet. Le temps de travail comptabilisé correspond au temps consacré à la mise en œuvre du projet (participation à la définition des besoins, au développement des interfaces, au paramétrage, et aux tests et aux formations) et à pallier l’absence de solution informatique (traitements manuels du personnel opérationnel et de contrôleurs de gestion).
Après avoir jugé la résiliation justifiée, le Tribunal a fixé les dommages et intérêts dus au client à 227 609 € (1). Le prestataire informatique a fait appel de cette décision et le client formule les mêmes demandes de réparation en appel. La Cour d’appel confirme la décision sur la responsabilité du fournisseur qui n’a pas été en mesure de fournir la solution commandée (2). Elle confirme également la réparation des coûts salariaux internes, augmentant l’indemnisation à ce titre de 20 000 €, compte tenu de nouveaux justificatifs produits par la victime (justificatifs de la rémunération moyenne des salariés concernés). La réparation totale accordée s’élève à 247 609 €.
La prise en compte des charges fixes de personnel à titre de préjudice est souvent discutée au nom du principe de la « réparation intégrale », selon lequel la réparation vise à replacer la victime dans la situation qu’elle aurait connu en l’absence de dommage. Les charges de personnel interne étant des charges fixes (sauf les heures supplémentaires), elles auraient été supportées même si le dommage ne s’était pas produit. On peut donc en contester leur réparation.
Cependant, la mobilisation du personnel interne, pour effectuer des opérations qu’il n’aurait pas effectuées en l’absence de dommage, représente bien un préjudice lorsque l’entreprise n’en retire pas la contrepartie attendue et qu’elle s’en trouve désorganisée. En matière informatique, cette solution est admise dans de nombreuses décisions, qu’il s’agisse du personnel affecté au projet (3), du personnel formé à la nouvelle solution (4) ou du temps consacré à maintenir l’ancienne solution (5)
(1) T. Com. Paris 2-6-2009.
(2) CA Paris 3e ch. 19-1-2011
(3) CA Paris 25e ch., 28-4-2006 ; CA Versailles, 3e ch., 10-9-2004 ; CA Paris, 25e ch., 2-7-2004
(4) CA Lyon, 23-2-2006
(5) CA Paris 25e ch., 22-6-2001