Le 12 octobre 2023, la Sacem a annoncé qu’elle exercerait son droit d’opposition (« opt-out ») afin de contrôler l’utilisation de son répertoire par des Intelligences Artificielles (IA) génératives. Cette mesure vise à protéger les droits d’auteur dans un contexte où les technologies d’IA exploitent souvent des œuvres sans autorisation ni rémunération.
Des droits d’auteur fragilisés par les fouilles de données des IA génératives
La Sacem défend les droits des auteurs face aux IA génératives
Grâce à des IA génératives comme Boomy et MusicLM, l’utilisateur final entre des inputs et ces IA créent des contenus (les outputs) sur demande. Entre autres, elles peuvent « imiter » la voix de personnalités notoires ou encore « composer » des musiques.
Or, obtenir de tels résultats suppose l’entraînement des IA génératives, qui se traduit par des fouilles de données (« data-mining »). Ces données incluent des œuvres protégées par des droits d’auteur. Bien souvent, les IA génératives exploitent ces œuvres sans l’accord des auteurs et sans rémunération des ayants-droits. Ceci affecte notamment le droit de reproduction de l’auteur (ou de ses ayants-droits). En d’autres termes, les titulaires des droits d’auteurs ne peuvent plus autoriser ou interdire effectivement la reprise de l’œuvre à l’identique par un tiers.
Ce phénomène touchait les œuvres du répertoire de la Sacem. En effet, les fournisseurs d’IA génératives manquaient de transparence quant à leurs pratiques de data-mining.
Le droit d’opposition de la Sacem s’inscrit dans un contexte d’encadrement des fouilles de données
La Sacem défend les droits des auteurs face aux IA génératives
Deux étapes récentes ont contribué à protéger les droits d’auteur face au data-mining des IA génératives.
D’une part, l’ordonnance n°2021-1518 a transposé la directive [UE] 2019/790 dans l’article L.122-5-3 du Code de la propriété intellectuelle. Comme le stipule cet article, certains organismes peuvent effectuer des fouilles de données pour des recherches scientifiques sur des œuvres obtenues licitement. Si ces conditions sont remplies, l’autorisation de l’auteur est sans importance, ce qui ébranle son droit de reproduction. Néanmoins, pour toutes les fouilles de données réalisées à d’autres fins et par d’autres personnes, l’auteur dispose d’un outil puissant. Il s’agit du droit d’opposition, en vertu duquel l’auteur peut s’opposer, notamment, au data-mining de ses œuvres. La Sacem défendant l’intérêt collectif des artistes musicaux et gérant leurs droits, elle peut exercer son droit d’opt-out.
D’autre part, dans un communiqué de presse de 2023, la SACD a donné des pistes pour « une IA éthique ». La SACD a proposé cinq principes visant à protéger les droits d’auteur et droits voisins. Elle exige notamment aux IA de faire preuve de transparence dans leur utilisation des œuvres. Surtout, elle insiste sur l’importance d’un droit d’opposition que ses auteurs membres pourront exercer afin de défendre leurs droits.
La Sacem reprend la philosophie de la SACD, souhaitant une IA « vertueuse, transparente et équitable ». À la différence de la SACD, la Sacem exerce son opt-out d’office, pour toutes les œuvres de son répertoire.
Le droit d’opposition de la Sacem, une mesure protectrice des droits d’auteur
La Sacem défend les droits des auteurs face aux IA génératives
La Sacem possède un répertoire considérable de plus d’une centaine de millions d’œuvres musicales. En exerçant son droit d’opposition, la Sacem interdit, en principe, l’accès à toutes ces œuvres par les IA génératives. En conséquence, les œuvres répertoriées à la Sacem ne peuvent faire l’objet de data-mining qu’à l’issue d’une autorisation. Ceci implique des négociations dont découlera une rémunération des auteurs. Pour autant, la Sacem affirme vouloir concilier le développement des IA avec les droits d’auteur. Cette conciliation semble dépendre du niveau de transparence dont feront preuve les fournisseurs d’IA et de la lourdeur des éventuelles sanctions judiciaires. Enfin, la souplesse des négociations reste incertaine.
Ainsi, la Sacem ouvre concrètement la voie pour une protection accrue des droits d’auteur face au data-mining. Seulement, il appartiendra aux entités législatives, administratives et judiciaires d’assurer l’effectivité de cette protection.
Avec la collaboration de Oxana Karlick, stagiaire, étudiante en 2e année de Licence de droit à l’Université Paris Panthéon-Assas.
Rébecca Véricel
Avocate, Directeur d’activité au sein du Pôle Propriété intellectuelle
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