A l’occasion de la transposition de la directive établissant le Code européen des communications électroniques, nous avons demandé à Frédéric Forster son avis sur les principales incidences de ce nouveau cadre en droit national.
Le Code européen des communications électroniques adopté en décembre 2018 (1) a fait l’objet d’une transposition en droit national en mai 2021 (2).
Décryptons ce nouveau cadre avec Frédéric Forster, directeur du pôle Télécom, Lexing Alain Bensoussan Avocats.
Pouvez-vous nous rappeler un peu l’historique de ce droit ?
Le droit des communications électroniques tire essentiellement sa source de l’encadrement européen du secteur, d’abord avec le Paquet télécoms de 2002 (3) puis sa révision par les directives de 2009 (4) et enfin celle de 2018 avec la directive qui a abouti à la création d’un code européen.
En fait, on est passé d’un paquet de 5 directives (5) à une seule directive dénommée « code » tout en restant dans la continuité de la régulation économique du secteur suite à la libéralisation des marchés initiée en 2002.
La directive « code » a entraîné une refonte globale des dispositions relatives aux communications électroniques. Ces dernières nécessitaient en effet une adaptation aux évolutions de l’environnement numérique et des usages tant dans le domaine des télécoms que de l’audiovisuel depuis 2002.
Le code européen marque cependant un changement important dans la régulation européenne des télécommunications. Au-delà d’instaurer un cadre harmonisé au sein de l’Union européenne, le code vise en effet à accompagner les investissements dans les réseaux de nouvelle génération (fibre, 5G).
Cela se traduit notamment par l’instauration d’un cadre réglementaire permettant de :
- favoriser les investissements dans les réseaux 5G et d’améliorer l’efficience de la gestion du spectre radioélectrique, notamment pour la 5G (6) ;
- réguler les nouveaux acteurs tels que les fournisseurs de services OTT (Over The Top ou, en français, « services par contournement de réseaux »).
Quels sont les défis des nouveaux acteurs du secteur régulé ?
Les fournisseurs de services OTT sont désormais inclus dans la définition des opérateurs de communications électroniques. Ceci conduit à un certain alignement de leurs droits, mais aussi de leurs obligations, sur ceux des opérateurs « classiques ».
En conséquence, les fournisseurs de services de messagerie instantanée, courriels, appels téléphoniques sur Internet et messages personnels émis par le biais de réseaux sociaux ont-ils désormais de nouvelles obligations notamment en matière :
- d’information et de protection des utilisateurs finals,
- de sécurité publique et de défense nationale,
- d’interopérabilité, ou encore
- de financement du service universel.
En outre, ils sont soumis aux obligations qui découlent de l’extension par le code de l’application de la Directive « Vie privée et Communications électroniques », laquelle sera très prochainement remplacée par le règlement « vie privée et communications électroniques » (7).
Ces nouveaux acteurs doivent donc, à l’instar des fournisseurs de télécommunications traditionnels :
- se conformer aux obligations de confidentialité des données électroniques établies par la directive et
- proposer à leurs utilisateurs un certain degré de protection et de transparence, au même titre que les opérateurs classiques.
Des outils devront donc être mis en place à cet effet.
Quels sont selon vous les futurs chantiers qui attendent le secteur ?
La réalisation du futur « service universel haut débit » adapté aux nouveaux usages des citoyens pour un accès de toutes et tous au numérique. Ce dernier occupe une place grandissante dans la société.
Certes, l’essentiel de la transposition des dispositions législatives relatives au service universel a déjà été effectuée par le biais de la loi dite « DDADUE » (dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière) (8) et le récent décret du 31 août 2021 (9) qui en prévoit les modalités de fourniture aux utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers.
Mais il reste la question centrale de la qualité de service des services de base qui se pose en particulier dans les zones rurales, a fortiori lorsque les perspectives de déploiement de la fibre sont lointaines dans ces zones (10).
Propos recueillis par Isabelle Pottier
Lexing Département Etudes et publications.
Notes
(1) Directive (UE) 2018/1972 du 11 décembre 2018.
(2) Voir F. Forster, « Un CPCE fortement modifié à compter du 28 mai 2021 », Post du 11 juin 2021.
(3) Directive 2002/21/CE (directive « cadre ») du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002.
(4) Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009.
(5) Directive « cadre » de 2002 et 4 directives particulières (2002/20/CE « autorisation » ; 2002/19/CE « accès » ; 2002/22/CE « service universel » ; 97/66/CE « données personnelles »).
(6) Mutualisation des réseaux fixes et mobiles, régulation des opérateurs puissants par un cofinancement des infrastructures, meilleure utilisation des fréquences, etc.
(7) Voir F. Forster, « Vie privée et communications électroniques : une réforme délicate », Post du 25 février 2021.
(8) Loi 2020-1508 du 3 décembre 2020 dite « DDADUE ».
(9) Décret 2021-1136 du 31 août 2021.
(10) Cf. l’avis n° 2020-1405 en date du 1er décembre 2020 rendu par l’Arcep à la demande du Gouvernement sur le service universel des communications électroniques.