Alain Bensoussan a été interviewé par frenchweb.fr sur le projet StopCovid, une application de contact tracing pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Alain Bensoussan, avocat spécialisé dans le droit numérique et les nouvelles technologies, s’exprime sur l’application mobile que développe le gouvernement en partenariat avec l’inria : le « StopCovid ». Cette application de géolocalisation qui repose sur la base du volontariat est une solutions de traçage numérique pour identifier les personnes ayant été en contact avec le Covid-19.
Un enjeu sanitaire majeur peut-il justifier l’atteinte aux libertés publiques ?
Les règles issues du Règlement européen sur la protection des données du 27 avril 2916 (RGPD) interdisent la collecte et le traitement de données de santé (art. 9). Cette notion recouvre toute opération portant sur des données de santé relatives à une personne identifiée ou identifiable.
Il est donc difficile de faire ce type de tracing en tant que tel, explique Alain Bensoussan, à moins d’entrer dans l’une des exceptions qui autorisent l’utilisation de ces données. Cela peut être le cas lorsque le traitement est nécessaire pour :
- « des motifs d’intérêt public important, sur la base du droit de l’Union ou du droit d’un État membre qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, respecter l’essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée » ;
- « des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, tels que la protection contre les menaces transfrontalières graves pesant sur la santé ».
Dans le cas d’un état d’urgence tel que nous le vivons aujourd’hui, il est ainsi possible de prendre des règles d’exception par rapport aux principes généraux. Selon Alain Bensoussan, « Il faut quand même que les règles telles que la dignité, la loyauté, la transparence continuent à s’appliquer malgré le caractère dérogatoire ».
Ainsi, « Le Conseil constitutionnel demande qu’à chaque fois qu’il y a une ingérence, une atteinte extrêmement importante à une liberté, cela soit limité dans le temps et qu’il y ait des garanties pour que cela ne s’inscrive pas dans une politique liberticide au-delà de la résolution du problème exceptionnel », rappelle Alain Bensoussan.
Le contact tracing et le respect du principe de proportionnalité
Un dispositif de traçage numérique tel que le contact tracing ou la géolocalisation s’il peut être justifié par l’intérêt public doit néanmoins « respecter l’essence du droit à la protection des données ».
Cela signifie qu’il faut trouver un principe de proportionnalité. « Là on va porter atteinte à un certain nombre de principes fondamentaux, mais il faut quand même que les règles telles que la dignité, la loyauté, la transparence continuent à s’appliquer malgré le caractère dérogatoire », développe Alain Bensoussan.
Les premiers garde-fous à prévoir seraient :
- de limiter un tel dispositif dans le temps ;
- d’informer les personnes et
- de détruire les éléments ainsi acquis dès la fin de la situation d’urgence sanitaire.
Alain Bensoussan met aussi en avant l’obligation d’auditabilité et de transparence des délibérations du comité scientifique.
En outre, il faut libérer les technologies numériques lorsqu’est en jeu non pas le caractère privé de la vie mais la vie en tant que telle.
(1) Retrouvez le point de vue juridique de Alain Bensoussan pour Frenchweb concernant l’App Stop Covid, « Pourquoi est-il difficile d’imposer une app de tracking en France? », Frenchweb.fr, 15 avril 2020.