Une ordonnance du 9 décembre 2020 réglemente les cryptomonnaies en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Le gouvernement règlemente les cryptomonnaies par ordonnance
Le 9 décembre 2020, le gouvernement a annoncé dans un communiqué de presse avoir présenté une ordonnance visant à renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques (1), c’est-à-dire aux cryptomonnaies.
Cette ordonnance faite suite au démantèlement, en septembre 2020, d’un réseau de financement du terrorisme recourant à des transactions en cryptomonnaie. Ainsi, elle reconnaît et encadre l’échange de cryptomonnaie, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Le rôle de la blockchain dans les cryptomonnaies
La blockchain est une technologie qui repose sur des bases de données construites sous forme de chaîne de blocs, afin de stocker et transmettre des informations de manière sécurisée et, en principe, infalsifiable. On parle souvent de la blockchain pour évoquer les cryptomonnaies.
La technologie de la blockchain permet de sécuriser les transactions effectuées en matière de cryptomonnaie. En effet, elle permet d’enregistrer toutes les transactions effectuées dans une base de données, sans que ces transactions ne passent par un intermédiaire ou une institution de contrôle.
Beaucoup de cryptomonnaies sont échangées sur leur propre réseau de blockchain, c’est le cas notamment de la blockchain Bitcoin qui permet d’acheter, vendre ou stocker des bitcoins. La règlementation de ces plateformes est récente, et a commencé notamment avec la loi Pacte adoptée en 2019 qui instaure un cadre règlementaire pour les cryptomonnaies.
La volonté de faciliter l’identification des utilisateurs de cryptomonnaie
En juin 2019, le Groupe d’action financière (Gafi) avait déjà incité les États à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme pour les cryptomonnaies. Par ailleurs, en décembre 2020, un rapport du Tracfin (2) préconisait également d’interdire l’acquisition de cryptomonnaies grâce à des moyens de paiement anonymes.
Cette ordonnance, qui fait de la France une pionnière en matière de règlementation des cryptomonnaies, a été prise sur le fondement de l’article 203 de la loi Pacte et soumet les échanges de cryptomonnaies aux obligations du code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Cette ordonnance inclut les prestataires de services sur les actifs numériques (PSAN) parmi les entités ayant l’interdiction de tenir des comptes anonymes (Art. 561-14 du Code monétaire et financier). Elle sera complétée par un décret qui précisera les mesures destinées à réduire l’anonymat des transactions en cryptomonnaie.
La règlementation nationale concernant les cryptomonnaies est donc fortement renforcée. Les prestataires sont tenus de s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers avant de débuter leur activité. Ainsi, toutes les plateformes ayant une activité en France une activité en lien avec les cryptomonnaies sont désormais assujetties aux mesures de la LCB-FT.
L’article 12 de l’ordonnance précise que les acteurs disposent d’un délai de 6 mois pour mettre en œuvre les nouvelles mesures mises en place, soit jusqu’au 10 juin 2021.
Une ordonnance critiquée par les professionnels de la cryptomonnaie et de la blockchain
Bien que cette ordonnance ne soit pas une surprise, elle ne fait pas l’unanimité auprès des professionnels du secteur qui jouissaient jusque-là d’une certaine liberté notamment en matière d’échange entre cryptomonnaies.
Les cryptomonnaies et la blockchain souffrent déjà d’une image dégradée souvent associée à des financements occultes. Or, pour certains, cette ordonnance accentue ce lien implicite entre cryptomonnaie et terrorisme, alors même que ce dernier ne représente qu’une infime part des transactions.
Certains acteurs dénoncent également l’application du KYC (Know Your Customer) au secteur des cryptomonnaies. Ce processus correspond à une vérification scrupuleuse de l’identité des clients, notamment l’identité bancaire par un virement SEPA.
Ces mesures pourraient dissuader les professionnels d’investir et de s’aventurer dans le domaine des cryptomonnaies et de la blockchain en général, ou inciter les acteurs étrangers à se tourner vers un pays doté d’une législation plus souple en la matière.
Marie Soulez
Marie Rouxel
Lexing Propriété intellectuelle contentieux
(2) Tracfin – Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins