Après la révision des règles applicables aux restrictions verticales, la Commission européenne a publié de nouvelles règles relatives aux restrictions horizontales. Celles-ci revêtent la forme de deux règlements d’exemption, l’un concernant les accords de recherche et développement (1) et l’autre les accords de spécialisation (2), tous deux publiés le 14 décembre 2010, et de nouvelles lignes directrices relatives aux accords de coopération horizontale, publiées le 14 janvier 2011. Ces nouveaux règlements d’exemption viennent se substituer au règlements précédents (n°2658/2000 et 2659/2000), qui expiraient fin 2010. Une période transitoire de deux ans a cependant été prévue pour les accords en vigueur avant le 31 décembre 2010 qui ne seraient pas conformes aux nouvelles dispositions.
L’innovation principale du nouveau règlement d’exemption « R&D » concerne son champ d’application. L’ancien règlement couvrait uniquement les accords de développement en commun de produits ou de procédés, ou l’exploitation en commun de résultats de recherche.
Désormais, les activités rémunérées de recherche sont également concernées par le règlement comme, par exemple, celles qui résultent d’accords de R&D, qui prévoient que les activités sont réalisées par une des parties, mais financées par l’autre.
Cette nouvelle exemption s’applique si :
- la part de marché cumulée de la partie qui finance ;
- et la part de marché de l’ensemble des parties avec lesquelles la partie qui finance a conclu des accords de R&D concernant les mêmes produits ou technologies contractuels, ne dépasse pas 25% de part de marché (1).
Concernant le règlement d’exemption de spécialisation, l’innovation principale est son champ d’application, plus étendu que celui du précédent. En effet, les accords couverts auparavant par l’exemption étaient uniquement ceux qui consistaient pour une ou plusieurs parties à cesser de fabriquer certains produits.
Dorénavant, une cessation partielle de la production est susceptible de bénéficier de l’exemption.
Le seuil de part de marché n’est en revanche pas modifié, et reste à 20%.
Les nouvelles lignes directrices, quant à elles, concernent toujours un grand nombre d’accords horizontaux, comme ceux qui intègrent des échanges d’informations, les accords de R&D, de production, d’achat, de commercialisation et de normalisation, mais apportent deux éclairages majeurs quant à la notion de normalisation et quant aux échanges d’informations entre entreprises.
Les accords de normalisation sont des accords ayant « pour objectif premier la définition d’exigences techniques ou d’exigences de qualité auxquelles des produits, processus, services ou méthodes de production actuels ou futurs peuvent répondre » (3).
Après avoir rappelé que ce genre d’accords produit en général des effets positifs sur la concurrence, la Commission identifie trois dangers majeurs pour la concurrence :
- diminution de la concurrence par les prix ;
- refus d’accès aux technologies innovantes ;
- éviction de certaines entreprises ;
- exercice de discriminations à leur égard, en les empêchant d’avoir accès effectivement à la norme.
Les lignes directrices énoncent, par ailleurs, les différents critères permettant de déduire qu’un accord de normalisation ne restreint en principe pas la concurrence :
- la participation à l’adoption de la norme ne fait l’objet d’aucune restriction ;
- la procédure d’adoption de la norme est transparente ;
- le respect de la norme n’est pas obligatoire ;
- les conditions d’accès à la norme sont équitables, raisonnables et non discriminatoires.
Ces conditions ne sont toutefois qu’une grille d’analyse, le non respect de l’une des conditions ne préjugeant pas automatiquement de l’illégalité de l’accord.
Lorsque la norme inclut des droits de propriété intellectuelle, les détenteurs de ces derniers doivent s’engager irrévocablement et par écrit à accorder des licences à l’ensemble des tiers, à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (les lignes directrices utilisent la notion de conditions « FRAND » (4)).
Les lignes directrices éclairent également la notion d’échanges d’informations entre entreprises.
Après avoir rappelé que les échanges d’informations peuvent apporter des gains d’efficience, notamment en cas d’asymétrie d’informations, la Commission insiste sur le fait qu’il convient de considérer les échanges, entre concurrents, lorsqu’ils portent sur des données individualisées concernant les futurs prix ou quantités envisagés comme constituant une restriction de la concurrence par objet.
La Commission développe ainsi les différents critères à prendre en compte pour déduire que les échanges d’informations sont susceptibles d’avoir des effets anticoncurrentiels, notamment :
- l’incidence potentiellement défavorable et sensible sur un ou plusieurs paramètres de la concurrence de l’échange (prix, production, qualité ou diversité des produits, innovation…) ;
- les conditions économiques prévalant sur le ou les marchés en cause, qui peuvent être de nature à favoriser l’effet anticoncurrentiel de l’échange, notamment en augmentant la transparence du marché considéré et la prévisibilité des décisions que peuvent prendre les entreprises concurrentes ;
- les caractéristiques des informations échangées.
La Commission développe particulièrement la typologie des données concernées, notamment les notions d’informations commerciales sensibles, de données publiques, ou bien encore de fréquence de l’échange.
(1) Règlement n° 1217/2010 du 14-12-2010
(2) Règlement n° 1218/2010 du 14-12-2010
(3)
Lignes directrices du 14-1-2011
(4) « Fair, Reasonnable, and Non-Discriminatory »