Cet article développe les contours de la notion d’ICO et le cadre juridique applicable en France à l’émission de jetons numériques.
Les modalités de l’émission de jetons numériques en France
La loi Pacte crée un nouveau cadre juridique pour l’offre de jetons et vise ainsi aux articles 85 et 86 :
- une nouvelle catégorie de biens incorporels : les actifs numériques (1),
- de nouveaux types d’opérations financières : les ICOs et les investissements en actifs numériques par les fonds professionnels de capital investissement (qui ne seront pas étudiés dans la présente fiche) ainsi que,
- de nouveaux acteurs : les émetteurs d’ICOs et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).
La notion d’offre au public de jetons (Initial Coin Offering « ICO »)
C’est la start-up blockchain Polymath qui a, la première, lancé l’idée d’une offre au public de jetons numériques « ICO ».
Une ICO est une opération de levée de fonds effectuée à travers un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP ou « blockchain »).
Cette opération permet à l’émetteur de financer le développement d’un projet. Elle donne lieu à une émission de jetons numériques (tokens) remis à l’investisseur en contrepartie :
- d’une somme d’argent ou
- de la remise de crypto-monnaies.
Cette opération est réalisée par le biais de la technologie blockchain.
Pour les entreprises nouvelles ou innovantes souvent considérées au départ comme « risquées », et pour lesquelles il peut être difficile de lever des capitaux par le biais des canaux de financement traditionnels, les ICO constituent aujourd’hui une source de financement alternative.
La loi Pacte contient notamment un article 26 relatif aux offres au public de jetons dont les dispositions sont précisées par le règlement général de l’AMF.
Le déroulement d’une opération d’« ICO »
Toute opération d’ICO est constituée par les trois temps suivants :
- la structuration de l’ICO ;
- l’émission des jetons par l’initiateur du projet ;
- la réception des jetons une fois la campagne d’ICO achevée.
Le projet est d’abord présenté sur une plateforme dédiée auprès d’investisseurs potentiels sous la forme d’un livre blanc (« white paper »). Ce livre blanc permet de communiquer sur les objectifs du projet et les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Cette présentation est concrétisée par la signature d’un contrat d’accord ou d’un mandat de service avec un cabinet d’avocat spécialisé, par exemple. Une fois le projet déposé, il faut alors lancer sa promotion.
Ensuite, intervient « l’initiateur du projet ». Cette personne n’est autre que l’intermédiaire de la plateforme dédiée. Ces jetons (ou « tokens ») ouvriront un certain nombre de droits, en fonction du type de jeton émis (« Security tokens » ou « utility tokens »). L’émission d’un jeton se fait en principe à un taux fixe. La plupart du temps, les investisseurs acquièrent les jetons en échange de monnaies virtuelles qu’ils possèdent au préalable sur leur portefeuille électronique (Bitcoin ou d’Ethereum majoritairement).
Les investisseurs se voient alors crédités, sur leur portefeuille électronique, de jetons correspondant aux fonds apportés.
Le cadre juridique applicable à l’offre publique de jetons numériques
La loi Pacte prévoit un encadrement des acteurs impliqués dans les activités sur actifs numériques, que sont les émetteurs de jetons d’ICOs et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).
Le régime de l’offre de jetons crée par l’article 26 de la loi Pacte repose sur un visa optionnel, délivré sous conditions par l’AMF, sur demande des émetteurs. Ce cadre juridique est le fruit de la double volonté d’être non contraignant et d’encourager leur développement et leur localisation en France. Sur la base de ce nouveau régime, deux projets d’ICOs sont actuellement entre les mains de l’AMF.
Les textes composant le cadre légal de l’offre de jetons en France sont :
- la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte qui constitue un cadre général de régulation des ICOs et des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) ;
- les amendements apportés au règlement de l’AMF ;
- l’instruction DOC-2019-06 prise en application des articles 711 à 712 du règlement général de l’AMF (AMF, instruction DOC-2019-06 du 6 juin 2019).
Une procédure de visa optionnel
En dehors du cadre prévu pour les offres de jetons classiques (ou Initial public offerings) le législateur a donc organisé une procédure de visa optionnel souple et adaptée à l’opération d’ICO. Le visa constitue l’agrément d’une offre au public de jetons. Ce visa n’est cependant pas obligatoire, ce qui a pour conséquence que les opérations d’ICOs peuvent avoir lieu sans visa. Néanmoins, l’obtention de ce visa pourrait bien constituer un gage de sérieux et procurer par la même un avantage compétitif.
Trois phases structurent la procédure de sollicitation de ce visa :
- le dépôt de la demande de visa optionnel,
- l’instruction du visa par l’AMF, et enfin
- la délivrance du visa.
Frédéric Forster
Géraldine Camin
Lexing Constructeurs informatiques et télécoms
(1) Cf. notre article, « La classification des différents actifs numériques » paru le 23/02/2021.