Suite à une saisine par le Ministère de l’économie (1), l’Autorité de la concurrence devra rendre un avis concernant l’exclusivité des fournisseurs d’accès à internet sur la distribution de contenus ou de services. Cette demande s’inscrit dans le cadre du plan gouvernemental « France Numérique 2012 » ayant pour objectif la couverture à 100% de la population ayant accès au haut débit. L’Autorité de la concurrence devra ainsi évaluer l’impact des droits exclusifs de diffusion télévisuelle et de distribution exclusive des chaînes et services payants et examinera si la constitution d’offres de contenu que les opérateur de communications électroniques réserveraient à leurs abonnés peut induire des effets anticoncurrentiels.
Dans ce cadre, l’Autorité de la concurrence s’appuiera sur l’expertise de l’Arcep et du CSA, par ailleurs doté d’un pouvoir de règlement des différends entre chaînes de télévision et distributeurs de services (2). Cette demande d’avis semble faire écho à la récente décision rendue par le Conseil de la concurrence dans le secteur de la télévision de rattrapage (« Catch-up TV »). Le Conseil de la concurrence avait estimé, suite à une saisine de l’AFORST, que l’accord conclu entre France Télévisions et France Télécom visant à la distribution exclusive de certains programmes n’avait pas d’effet anticoncurrentiel (3).
Compte tenu du caractère très récent du service de « Catch-up TV », et des « incertitudes pesant sur les caractéristiques de l’offre et de la demande et le contexte de convergence entre des activités traditionnellement distinctes (accès à la télévision payante, distribution de chaînes de télévisions, accès ADSL) », le Conseil n’avait pas été en mesure de définir de manière précise les contours du marché pertinent. Il avait néanmoins estimé que « France Télécom ne peut être regardée comme détenant aujourd’hui une position dominante sur le marché de la télévision payante » et qu’en outre, le champ de l’exclusivité était suffisamment restreint et qu’il subsistait pour les consommateurs des possibilités de visionnage des programmes concernés en « Catch-up TV ».
Mais au-delà de la question de la « catch-up TV » et dans un « contexte en profonde mutation », l’avis de l’Autorité de la concurrence pourrait concerner tous les types de contenus donnant lieu à des exclusivités, de la question « classique » des droits de retransmission des manifestations sportives aux nouveaux « services de médias audiovisuels à la demande » (télévision de rattrapage, vidéo à la demande, notamment) qui devraient faire leur entrée prochainement dans la loi du 30 septembre 1986 (4).
L’Autorité de la concurrence sera vraisemblablement aussi amenée à se prononcer sur la question brûlante des offres de programmes proposées en exclusivité à leurs abonnés par certains fournisseurs d’accès, tels que Orange. Un amendement au projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, visant à interdire ce type d’offre, vient d’être retiré des débats devant le Sénat. Rappelons enfin que Orange a vu son accord d’exclusivité portant sur la commercialisation de l’iPhone, conclu avec Apple, suspendu par le Conseil de la concurrence fin décembre (5).
(1) Minefe, Communiqué de presse du 12 janvier 2009
(2) Art. 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Récemment, le CSA a ainsi enjoint à Métropole Télévision (M6) de permettre à AB Sat de distribuer la chaîne M6 (Décision n° 2008- 523 du 8 juillet 2008 relative à un différend opposant les sociétés AB Sat et Métropole Télévision ; « Le CSA veille au respect du pluralisme », Doris Marcellesi et Mathieu Guenec, Les Echos, 24 septembre 2008. Décision susceptible de recours)
(3) Conseil de la concurrence, décision n° 08-D-10 du 7 mai 2008
(4) Article 22 du projet de loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision : « Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service »
(5) Conseil de la concurrence, décision n° 08-MC-01 du 17 décembre 2008