Un établissement public de transport ferroviaire a constaté qu’un site internet, mettant à la disposition du public un moteur de recherche, reproduisait et exploitait ses marques notoires, lors de leur saisie à titre de mots clés par les internautes, en affichant des liens commerciaux dirigeant vers des sites proposant des produits et services concurrents.
L’établissement public a assigné la société éditrice du site, afin de faire cesser cet usage de ses marques et pour obtenir réparation de ses préjudices. Il a demandé une réparation de 150.000 € au titre des conséquences économiques négatives résultant du détournement de sa clientèle, 150.000 € au titre du préjudice qu’il estime avoir subi au titre des bénéfices réalisés par l’éditeur du site internet, 10.000 € pour publicité trompeuse et 100.000 € au titre du préjudice moral qui résulte de sa perte d’image et de l’atteinte à sa réputation, soit un montant total de 410.000 €.
L’éditeur du site cherchait à limiter sa responsabilité en invoquant son absence de contrôle sur les liens commerciaux affichés, ceux-ci résultant, selon lui, d’un accord passé avec un autre moteur de recherche. Mais cet accord n’est pas produit au débat et la décision (1) relève que le site affiche l’une des marques notoires sur sa page d’accueil, en dehors de toute recherche, et tire ainsi profit de sa notoriété. Sa responsabilité est donc retenue au titre de l’atteinte portée aux marques notoires (2) et d’une pratique commerciale trompeuse (3).
Alors que l’établissement public invoquait certaines dispositions relatives à l’indemnisation du préjudice en matière de contrefaçon (4), en demandant des réparations au titre des « conséquences économiques négatives », des « bénéfices réalisés » par le défendeur et du préjudice moral, le jugement n’applique pas ces dispositions pour prononcer les mesures réparatrices puisque la contrefaçon n’est pas retenue. Cependant, en appliquant les dispositions de droit commun en matière d’indemnisation, le jugement est amené à prendre en considération les mêmes éléments d’appréciation.
Le jugement relève que l’éditeur du site tire indûment profit de la notoriété de marques notoires et que leur reproduction dans ces conditions a pu inciter le public à se tourner vers des sites proposant des prestations concurrentes, parfois de qualité médiocre, en pouvant créer une confusion sur leurs liens avec l’établissement public, ce qui a nécessairement causé un détournement de la clientèle du demandeur, qui réalise environ 25% de ses ventes par internet, ainsi qu’une « perte d’image ». L’étendue de ces préjudices est ainsi fixée à la somme de 150.000 €. Une somme de 10.000 € est également accordée au titre des actes de publicité trompeuse et la publication de la décision est ordonnée.
(1) TGI Paris 3e ch. 11-6-2010
(2) CPI, art. L713-5
(3) C. consom., art. L121-1
(4) CPI, art. L716-14