Un simple clic sur un lien hypertexte redirigeant vers des œuvres protégées peut avoir de lourdes conséquences.
Ainsi en a fait les frais un site populaire néerlandais qui avait publié en 2011 un article au ton quelque peu provocateur « Photos nues de […] ». Dans cet article figurait un lien hypertexte redirigeant vers un site hébergeur sur lequel étaient accessibles les photos du magazine Playboy, ces dernières devant faire l’objet d’une publication au prochain numéro. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 8 septembre 2016 a été saisie pour déterminer s’il s’agissait ou non d’un acte de communication au public (1).
Les faits en question
Les tribunaux néerlandais avaient reconnu le caractère illicite de l’acte de mise à disposition du public un lien hypertexte redirigeant vers des œuvres protégées. La Cour suprême néerlandaise a alors été saisie de la question notamment de savoir si la mise à disposition d’un lien hypertexte vers une œuvre protégée, librement accessible sur un autre site, sans le consentement du titulaire du droit d’auteur, constitu[ait] une « communication au public » au sens de l’article 3 1°) de la Directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (2). Cet article dispose que « les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». Cet article est transposé en droit français à l’article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle.
L’apport de l’arrêt
En 2014, dans l’affaire Swensson, la CJUE avait rappelé le principe suivant : « La mise à disposition sur un site de liens vers des œuvres disponibles gratuitement sur un autre site ne constitue pas une « communication au public » » (3). Dans l’affaire Swensson, les œuvres étaient disponibles avec le consentement du titulaire des droits d’auteur sans pour autant déterminer si la personne qui plaçait le lien hypertexte avait connaissance ou non de cette circonstance.
La décision de la CJUE du 8 septembre 2016 précisent deux situations dans lesquelles l’acte pourra être qualifié de communication au public, et ce en se basant sur le critère lucratif :
- la personne ne poursuit pas un but lucratif, mais elle savait que les œuvres étaient publiées sans le consentement de leurs auteurs ;
- la personne poursuit un but lucratif, les juges instaurent une obligation de vérification pour s’assurer que les œuvres n’ont pas été publiées illégalement. En l’absence de quoi, la personne serait présumée avoir place un lien hypertexte en pleine connaissance du caractère protégé des œuvres accessibles par le lien et de l’absence éventuelle d’autorisation du titulaire.
Une présomption de connaissance du caractère protégé
En l’espèce, le site néerlandais agissait à but lucratif et n’était pas en mesure de renverser la présomption selon laquelle il était présumé avoir connaissance du caractère protégé des photos et de l’absence d’autorisation de publication par l’éditeur du magazine.
De toute évidence, les photos n’étaient pas destinées à être publiées sur internet et étaient uniquement stockées sur un site d’hébergement.
Marie Soulez
Rothmony Var
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) CJUE 8-9-2016 Aff. C-160/15 GS Media BV c./ Sanoma Media Netherlands BV, Playboy Enterprises International Inc., Britt Geertruida Dekker
(2) Directive 2001/29/CE du 22-5-2001
(3) CJUE 13-2-2014 Aff. C-466/12 Nils Svensson, Sten Sjögren, Madelaine Sahlman, Pia Gadd c./ Retriever Sverige AB