Une société exploitant une base de données regroupant des informations sur les entreprises françaises a constaté que sa base était reproduite par l’un de ses concurrents, qui en commercialisait le contenu sur plusieurs sites internet. La victime a saisi le Tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir la cessation de l’exploitation de sa base de données et l’indemnisation de ses préjudices. Elle demande une somme de 300.000 € de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur et de producteur de base de données et, à titre subsidiaire, 300.000 € au titre d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Le titulaire de la base ayant prouvé les investissements engagés pour sa constitution (recherche et collecte des données, création de l’architecture et matériel informatique) et pour sa mise à jour (achat de données et coûts de personnel), la juridiction lui reconnaît la qualité de producteur de base de données (1). A défaut d’originalité de la base, son titulaire ne peut bénéficier de la protection des droits d’auteur et les actes de concurrence déloyale ne sont pas retenus en l’absence de faits distincts de ceux invoqués pour l’atteinte à la base.
Selon la décision (2), la présence de trois adresses pièges dans la base litigieuse démontre qu’il y a eu une importation globale de la base constituant une extraction substantielle de celle-ci et donnant droit à réparation. Le jugement considère que l’auteur de l’extraction s’est approprié les investissements engagés par le titulaire, ce qui lui a permis d’exploiter le contenu de la base à des tarifs inférieurs à ceux proposés par le titulaire et de détourner sa clientèle.
L’auteur de l’extraction a indiqué avoir 5.500 clients, ainsi que les tarifs unitaires de ses produits (399 € HT et 199 € HT), mais ni le chiffre d’affaires réalisé à partir de la base, ni l’évolution des ventes du titulaire depuis les faits ne sont analysés dans la décision.
L’auteur des extractions ayant exploité, dans sa communication commerciale, le caractère avantageux de ses tarifs et le caractère plus complet de son produit par rapport à celui du titulaire réel de la base, le jugement retient également une atteinte à l’image de ce dernier.
En considérant ces éléments, la décision fixe la réparation à une somme globale de 150.000 €, sans préciser le détail du chiffrage effectué ni distinguer le montant des deux préjudices qui semblent avoir été retenus. L’atteinte à l’image constatée, qui semblait bien reposer sur des faits distincts (communication auprès des clients) de ceux retenus pour l’atteinte à la base de données (extraction et réutilisation de la base), aurait pu causer des préjudices distincts du détournement de clientèle, en ayant des effets négatifs sur d’autres produits ou d’autres clients du titulaire de la base.
Selon les chiffres fournis par la décision, l’auteur des extractions a réalisé un chiffre d’affaires minimum de 1.094.500 € HT (199 € HT X 5.500) grâce à la base litigieuse. Le montant du manque à gagner de la victime, qui n’est pas discuté, aurait donc pu s’avérer plus proche de ce montant que de 150.000 €.
(1) CPI, art. L341-1
(2) TGI Paris 3e ch. 13-4-2010