Dans cette affaire, deux sociétés exploitant des sites internet proposant l’achat, l’enregistrement et le stockage (parking) de noms de domaine, et une société ayant bénéficié de ces services, ont été mises en cause pour avoir porté atteinte aux signes distinctifs (marque, nom commercial et noms de domaine) d’une autre société exerçant son activité sur internet.
Entre 2006 et 2009, la victime a fait dresser des procès verbaux de constat sur internet faisant état de l’exploitation de 54 noms de domaines portant atteinte à ses droits. Parmi eux, 7 donnaient accès à des sites concurrents de celui qu’elle exploite, grâce à des liens hypertexte accessibles à partir des noms de domaine parqués. La victime a assigné les trois sociétés pour contrefaçon, usurpation de son nom commercial, de ses noms de domaine et pour faute et actes de négligence. Le demandeur a évalué ses préjudices à 25 000 € par nom de domaine pour 9 d’entre eux (225 000 €) et à 150 000 € pour les 45 autres (3 333 € par nom de domaine), soit une somme totale de 375 000 €. Ces demandes de réparation sont formulées au titre des « agissements relatifs aux noms de domaine », sans précision sur les préjudices effectivement subis ni sur leur formule d’évaluation.
La décision qualifie l’activité de vente de noms de domaine de service de courtage en ligne du fait des rémunérations perçues sur les transactions réalisées et relève que les pages de « parking » génèrent également des revenus grâce aux liens publicitaires (1). Elle considère que la contrefaçon est démontrée pour 7 noms de domaines « squattés » qui donnent accès à des pages dont les liens publicitaires redirigent vers des sites proposant des produits ou services similaires à ceux de la marque. Le jugement retient également une atteinte au nom commercial et au nom de domaine de la victime.
Selon le jugement, le préjudice de la victime consiste dans la banalisation de ses signes distinctifs. Ayant constaté que « l’intérêt commercial » de l’exploitation des noms de domaine en cause s’est avéré « minime » et sans fournir d’autres éléments d’appréciation ni qualifier plus précisément les préjudices réparés, la décision accorde au demandeur une indemnisation de 15 000 € par nom de domaine, soit une réparation totale de 105 000 €. Le jugement ordonne également la publication de la décision sur le site « parking » et prononce l’interdiction de la poursuite des agissements.
Le demandeur obtient une réparation qui ne couvre que 28% du montant de ses demandes, alors qu’il invoquait l’exploitation illicite de 52 noms de domaine, pendant plusieurs années (2006-2009) et qu’il exerce son activité uniquement par l’intermédiaire d’internet. Cependant, celui-ci ne semble pas avoir précisé quelles atteintes patrimoniales ou morales l’exploitation lui avait fait subir, ni justifié de leur ampleur, ni établi le montant de ses demandes selon une formule d’évaluation justifiée. Dans ces conditions, il ne pouvait espérer obtenir une indemnité proche du montant demandé.