Logiciel incompatible – Le non-respect de l’obligation d’information et de conseil du professionnel à l’égard du client peut entraîner la résolution judiciaire du contrat dès lors que le logiciel livré n’est pas compatible avec les applications utilisées par le client.
Par arrêt du 13 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé la résolution judiciaire d’un contrat d’installation de logiciel en raison de l’incompatibilité du logiciel livré par le prestataire avec certaines applications utilisées quotidiennement par son client (1).
Le 22 février 2012, un cabinet d’avocats a conclu un contrat d’installation de logiciel avec une société de services en ingénierie informatique afin de permettre la synchronisation, en temps réel, des agendas du cabinet et des avocats en déplacement, via leurs Iphones.
Le logiciel délivré étant incompatible avec l’application iCal du cabinet, ce dernier a assigné son cocontractant sur le fondement de l’article 1184 du Code civil, demandant la résolution judiciaire du contrat d’installation de logiciel et l’indemnisation du préjudice subi du fait du dysfonctionnement partiel du logiciel acquis.
Pour ce faire, il invoquait le non-respect de l’obligation d’information et de conseil imposée aux vendeurs professionnels, considérant que son cocontractant aurait dû se renseigner sur ses besoins et l’informer de l’incompatibilité du logiciel installé avec l’application iCal, mais également l’absence de délivrance conforme dudit logiciel aux caractéristiques contractuelles convenues, la compatibilité du logiciel avec l’application iCal constituant une fonctionnalité essentielle.
Par jugement en date du 13 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé la résolution judiciaire du contrat, ordonné la restitution des sommes versées par le cabinet et accordé au cabinet les dommages et intérêts sollicités en réparation de son préjudice.
Selon le tribunal, le prestataire, dont la publicité précisait qu’il était spécialisé dans les logiciels pour avocats depuis plusieurs années et que son logiciel était compatible avec iCal devait, en sa qualité de vendeur professionnel, s’enquérir des spécificités de son client.
Le tribunal a donc considéré que le prestataire ne pouvait valablement soutenir qu’il appartenait à son client de préciser que la fonctionnalité litigieuse de synchronisation d’agendas était essentielle, d’autant plus qu’elle était, en l’espèce, essentielle au regard de l’activité du client, ce que le prestataire ne pouvait ignorer ou aurait dû connaître.
Concernant l’évolution fréquente des logiciels Apple, le tribunal retient que le fait de prétendre que sa cliente ne pouvait l’ignorer constituait une inversion des rôles de la part du vendeur puisqu’il doit « s’informer des transformations à intervenir, de les intégrer dans ses projets d’installation et d’en prévenir, en temps utile, son client, en remédiant immédiatement aux difficultés qui viendraient à lui être signalées ».
Le tribunal fait donc primer l’obligation de conseil et d’information pesant sur le professionnel sur le respect de l’obligation de collaboration, qui pèse essentiellement sur le client.
Il sera intéressant de suivre si cette affaire fait l’objet d’un appel et, auquel cas, si la Cour d’appel confirme cette analyse de première instance ou apporte des nuances.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
Lexing Contentieux informatique
(1) TGI Paris, ch.5. 1ère sect. 13-5-2014.