Le mouvement « open » et ses déclinaisons prônent plus de collaboratif et une plus grande liberté d’exploitation.
Open data, open knowledge, open innovation et crowdsourcing, sont autant de mouvements qui s’intègrent dans le sillage de l’économie collaborative et tendent à se déployer. Dans ce contexte, les logiciels dits libres ou open source jouent un rôle majeur.
Rappels terminologiques
Le logiciel libre est défini comme « un logiciel distribué avec l’intégralité de ses programmes sources, afin que l’ensemble des utilisateurs qui l’emploient puissent l’enrichir et le redistribuer à leur tour. Un logiciel libre n’est pas nécessairement gratuit et les droits de la chaîne des auteurs sont préservés ». En anglais, il est traduit par « free software » ou « open source software » (1).
Le logiciel libre, comme le logiciel propriétaire, est protégé par le droit d’auteur. Toutefois, dans le cadre de ses prérogatives, l’auteur décide de mettre au profit de la communauté son logiciel sous une licence dite libre. Ainsi, le programme logiciel, notamment son code source, peut être exécuté, copié, distribué, étudié, modifié, amélioré par tous et au profit de tous.
Bien que souvent associées de manière interchangeable, les notions de « logiciel libre » et de « logiciel open source » doivent être distinguées.
La Fondation pour le logiciel libre (Free Software Foundation, FSF), organisation américaine à but non lucratif fondée en 1985, associée au mouvement du logiciel libre, est à l’origine des quatre règles définissant le logiciel libre.
Pour être qualifié de logiciel libre, l’utilisateur doit avoir quatre libertés essentielles (2) :
1. la liberté d’exécuter le programme comme il le souhaite, pour n’importe quel usage ;
2. la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de le modifier pour qu’il effectue ses tâches informatiques ;
3. la liberté de redistribuer des copies, donc d’aider à son tour un autre utilisateur ;
4. la liberté de distribuer aux autres des copies de ses versions modifiées ; en faisant cela, l’utilisateur donne à toute la communauté une possibilité de profiter de ses changements.
La première et la troisième libertés nécessiteront alors un accès au code source.
Il existe trois principales catégories de licences libres qui se distinguent selon les modalités d’utilisation et de redistribution du code source :
- la licence de domaine public, type BSD, CeCILL-B ;
- la licence semi-libre, exemple GNU LGPL, CeCILL-C, MPL ;
- la licence libre stricte, exemple GNU GPL, CeCILL-A.
Pour les licences libres, les libertés sont garanties par le « copyleft », terme anglais construit par opposition au terme « copyright », traduit parfois par « gauche d’auteur » ou « copie laissée », qui est la règle selon laquelle les utilisateurs qui redistribuent le programme logiciel libre ne doivent pas nier les libertés des utilisateurs de leur programme.
Le terme open source, se rattache plus précisément aux critères énoncés par une autre organisation américaine, appelée Open Source Initiative.
Une licence de logiciel est dite open source lorsqu’elle satisfait aux dix critères suivants (3) :
1. une libre redistribution : la licence ne doit pas empêcher une partie de vendre ou de donner le logiciel en tant que composant d’une distribution logicielle globale contenant des programmes provenant de diverses origines. La licence ne doit pas exiger que cette vente soit soumise au paiement de droits d’auteur ou de royalties ;
2. le code source : le programme doit inclure le code source, et doit permettre la distribution sous forme de code source et sous forme compilée. Lorsqu’une certaine forme de produit n’est pas distribuée avec le code source correspondant, il doit exister des moyens clairement indiqués afin d’obtenir le code source pour un coût de reproduction raisonnable, de préférence via un téléchargement sur Internet, sans frais supplémentaire. Le code source doit être la forme préférée dans laquelle un programmeur modifie le programme. Il n’est pas autorisé de proposer un code source rendu difficile à comprendre. Il n’est pas autorisé également de proposer des formes intermédiaires, comme ce qu’engendre un préprocesseur ou un traducteur ;
3. les œuvres dérivées : la licence doit autoriser les modifications et les œuvres dérivées, et doit permettre leur distribution dans les mêmes conditions que la licence du logiciel original ;
4. l’intégrité du code source de l’auteur : la licence ne peut restreindre la redistribution du code source sous forme modifiée que si elle autorise la distribution de fichiers « patch » à côté du code source dans le but de modifier le programme au moment de la construction. La licence doit explicitement permettre la distribution de logiciels construits à partir de code source modifié. La licence peut exiger que les œuvres dérivées portent un nom ou un numéro de version différent du logiciel d’origine ;
5. l’absence de discrimination entre les personnes et les groupes : la licence ne doit créer aucune discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes ;
6. l’absence de discrimination entre les domaines d’application : la licence ne doit restreindre l’usage du programme selon le domaine d’application. Par exemple, la licence ne peut pas restreindre l’utilisation du programme dans une entreprise, ou pour la recherche génétique ;
7. distribution de la licence : Les droits attachés au programme doivent s’appliquer à tous ceux à qui le programme est redistribué sans qu’il soit nécessaire d’exécuter une licence supplémentaire par ces parties ;
8. la licence ne doit pas être spécifique à un produit : les droits attachés au programme ne doivent pas dépendre du fait que le programme fasse partie d’une distribution logicielle spécifique. Si le programme est extrait de cette distribution et est utilisé ou distribué dans les termes de la licence du programme, toutes les parties auxquelles le programme est redistribué devront bénéficier des mêmes droits que ceux accordés lorsque le programme est au sein de la distribution originale de logiciels ;
9. la licence ne doit pas restreindre les autres logiciels : la licence ne doit pas imposer de restrictions à d’autres logiciels distribués avec le logiciel sous licence. Par exemple, la licence ne doit pas exiger que tous les autres programmes distribués sur le même support soient des logiciels open source ;
10. la licence doit être technologiquement neutre : aucune disposition de la licence ne peut être fondée sur une technologie individuelle ou un style d’interface.
Des avantages collaboratifs certains
En matière de logiciel libre, l’effet collaboratif permet au titulaire de droit de voir son programme logiciel écrit et débogué plus rapidement et à moindre coût. En contrepartie, les utilisateurs jouissent librement, parfois gratuitement, de droits d’exploitation, sous réserve de conditions qui garantissent de garder le code accessible et protègent les autres utilisateurs en aval.
Des inconvénients restant dissuasifs
En pratique, le logiciel libre soulève des difficultés pouvant limiter son essor.
Economiquement, le logiciel libre n’est pas attractif pour celui qui le crée ou y contribue. Les éditeurs sont souvent obligés de proposer des services complémentaires, afin de financer le développement de leur programme.
Légalement et techniquement, l’interopérabilité avec les logiciels propriétaires est souvent rendue difficile par les éditeurs des logiciels propriétaires qui souhaitent protéger leurs créations et restent pour cela très actifs dans le lobby de leurs produits.
D’autres inconvénients pourraient être cités. On relèvera notamment celui de l’effet dit « viral » ou « contaminant » des logiciels libres, qui impose que les modifications du programme ou de certaines de ses œuvres dérivées soient elles-mêmes soumises aux conditions de la licence libre initiale. Face au faible contentieux en matière de logiciel libre, les acteurs sont souvent réticents à développer leurs produits par cet intermédiaire.
On se rappelle qu’en 2011, Free a été contraint, après une transaction faisant suite à son assignation devant le Tribunal de grande instance de Paris en 2008 (4), de donner accès aux codes sources des logiciels libres utilisés dans ses Freebox, en raison de son utilisation de logiciels libres soumis à la licence GNU GPL ; emboîtant le pas dans le secteur de la téléphonie à Orange et SFR-Neuf (5).
Un intérêt renouvelé pouvant permettre son essor
Malgré ces difficultés, le recours à ces logiciels tend à se développer. Le secteur public pourrait bien devancer le monde de l’entreprise.
La Commission européenne a déjà lancé son plan Open Source 2014-2017 (6).
L’article 16 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (7) encourage son développement dans les administrations françaises :
« Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration veillent à préserver la maîtrise, la pérennité et l’indépendance de leurs systèmes d’information.
Elles encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation, de tout ou partie, de ces systèmes d’information. Elles encouragent la migration de l’ensemble des composants de ces systèmes d’information vers le protocole IPV6, sous réserve de leur compatibilité, à compter du 1er janvier 2018 ».
Enfin et surtout, les réflexions continuent et les adeptes des logiciels libres s’organisent. Après Le Free and Open Source Developers’ European Meeting (FOSDEM) qui s’est tenu en Belgique les 4 et 5 février 2017 (8) ; Lyon accueillera, les 1er et 2 avril 2017, la 18e édition des Journées du Logiciel Libre (JDLL) sur le thème « Société (dé)connectée, les dessous de la transparence… ». (9). A Paris, le Paris Open Source Summit se tiendra les 6 et 7 décembre 2017 (10).
Un nouveau souffle du logiciel libre, open source, en tant qu’outil collaboratif au sein des entreprises reste donc à suivre.
Marie Soulez
Lylia Lanasri
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) Vocabulaire de l’informatique (liste des termes, expressions et définitions adoptés), JORF n°93 du 20-4-2007, p. 7078, texte n°84
(2) Définition du logiciel libre proposée par la Communauté GNU
(3) Définition du logiciel open source proposée par l’Open Source Initiative
(4) Assignation de Free devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en 2008
(5) Numerama, Article « Orange publie le code source de ses Livebox », 30-11-2009
(6) Plan Open Source 2014-2017 sur le site de la Commission européenne
(7) Loi 2016-1321 du 7-10-2016, art. 16
(8) Site officiel du FOSDEM 2017
(9) Site officiel du JDLL
(10) Site officiel du Paris Open Source Summit