Le projet de loi dit « Sapin 2 » a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture (1). Actuellement à l’état de
projet, ce texte a notamment pour ambition de participer à la modernisation de la vie économique et, grâce, entre autres mesures, à des initiatives en matière de protection des consommateurs et des épargnants (2).
Campagnes publicitaires pour des instruments financiers
A cette fin, le projet de loi Sapin 2 prévoit différentes mesures dont l’interdiction faite aux plateformes internet de réaliser des campagnes publicitaires qui proposent des instruments financiers potentiellement très risqués pour les particuliers. Cette mesure s’illustre comme l’un des aspects clé de mise en œuvre de cette ambition.
Cette mesure se justifie par les nombreuses plaintes déposées ces dernières années auprès de l’AMF de la part d’épargnants ayant réalisé des investissements sur des plateformes internet proposant des instruments financiers hautement spéculatifs, qui ont engendré pour 90% d’entre eux, des pertes d’argent significatives.
Les explications de l’AMF
L’AMF a mis en avant deux explications à cette situation que la loi Sapin 2 tente de maîtriser.
Tout d’abord, elle a révélé que plus de 9 clients sur 10 étaient perdants avec une perte moyenne de 10 000 euros sur 4 ans. En outre, l’impression selon laquelle les produits proposés étaient trop complexes pour des investisseurs non professionnels se confirme puisque les épargnants n’ont pas acquis, au fil des années, des connaissances leur permettant d’appréhender ces produits, et éviter alors les pertes d’argent (3).
Les services de l’AMF ont par ailleurs constaté une forte présence des communications à caractère promotionnel sur internet pour ces instruments financiers, et les plaintes des particuliers mettent souvent en avant le rôle de ces communications à caractère promotionnel dans leur premier contact avec les plateformes distribuant ces instruments financiers.
La loi Sapin 2 à la recherche d’un autre mécanisme
Compte tenu des lacunes du dispositif légal actuel ne permettant pas d’éviter des pertes répétées et importantes aux clients non-professionnels, la loi Sapin 2 cherche un autre mécanisme destiné à limiter l’exposition de ces clients à ces produits, d’autant plus que la directive 2014-65-UE (4) autorise les États membres à prendre des mesures additionnelles de protection des investisseurs en cas de circonstances exceptionnelles faisant porter des risques sur les investisseurs.
Dès lors, l’interdiction de toute information à caractère promotionnel pour des instruments financiers à risque s’est imposée au regard de l’ampleur des plaintes enregistrées par l’AMF et leur forte progression.
Définition du démarchage
Rappelons que l’article L.341-1 du Code monétaire et financier définit la notion de démarchage comme « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d’obtenir, de sa part, un accord ».
Par ailleurs, l’article L.341-10 du Code monétaire et financier dispose que le démarchage est interdit pour « les produits dont le risque maximum n’est pas au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ».
Interdire la promotion d’instruments financiers
Il est donc cohérent d’interdire la promotion d’instruments financiers hautement spéculatifs qui font déjà l’objet d’interdiction de démarchage.
En conséquence, le projet de loi Sapin 2 aménage l’article L.533-12-1 du Code monétaire et financier en ces termes :
« Les prestataires de services d’investissement ne peuvent adresser directement ou indirectement, par voie électronique, des communications à caractère promotionnel à des clients non-professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de services d’investissement portant sur des contrats financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, relevant de l’une des catégories de contrats définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers et présentant l’une des caractéristiques suivantes :
- le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ;
- le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ;
- le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n’est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé ».
Interdiction contrôlé par deux autorités administratives
Le respect de cette interdiction sera contrôlé par deux autorités administratives qui réguleront chacune le domaine qui lui est propre. Ainsi, la régulation sera assurée conjointement par l’Autorité des marchés financiers qui a été désignée comme l’autorité de mise en œuvre de la mesure et l’Autorité de régulation des professionnels de la publicité qui veillera, dans le cadre de ses missions, au bon respect de la mise en œuvre de cette interdiction par les régies publicitaires.
Le Conseil d’état a validé ce mécanisme puisqu’il a estimé que « ces dispositions, certes susceptibles d’affecter le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre et, le cas échéant, de porter atteinte, dans son exercice, au droit de propriété, n’instituaient pas une interdiction générale et absolue, dès lors que leur champ d’application était nettement circonscrit » (5).
Les dispositions envisagées devront néanmoins faire l’objet d’une notification auprès de la Commission européenne, conformément à l’article 24, paragraphe 12, de la directive 2014-65-UE. De surcroît, au niveau européen, la directive sur les marchés d’instruments financiers applicable à compter du 3 janvier 2018 permettra à chaque superviseur national d’interdire sur son territoire la commercialisation de produits financiers qu’il juge dangereux (6).
Réduction de la durée de validité du chèque
Parallèlement, le projet de loi Sapin 2 participe également à la protection des consommateurs et des investisseurs en réduisant la durée de validité du chèque à 6 mois (7).
Ce dispositif de protection du consommateur est justifié par la volonté de réduire, notamment l’incertitude liée au délai d’encaissement du chèque.
En effet, la conséquence juridique de l’émission d’un chèque est de transférer immédiatement la provision de l’émetteur au porteur. Dès lors, l’émetteur du chèque doit provisionner son compte à hauteur au moins du montant du chèque émis, au risque d’être sanctionné pénalement pour défaut de provision (8).
Cette mesure résulte des recommandations formulées dans le cadre de la consultation conduite en 2015 qui a permis l’expression des représentants des utilisateurs.
Entrée en vigueur
Le projet de loi Sapin 2 devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2017.
Frédéric Forster
Charlotte Le Fiblec
Lexing Droit Télécoms
(1) Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. AN, Dossier législatif.
(2) Discours de Michel Sapin devant la commission des lois, des finances, et des affaires économiques le 21-6-2016.
(3) Rapport de l’AMF.
(4) Directive 2014-65-UE concernant les marchés d’instruments financiers du 15-6-2014, art. 24 paragraphe 12.
(5) Avis du Conseil d’état sur un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
(6) Directive MIFID II 2016-65-CE.
(7) Modification de l’article L.131-59 du Code monétaire et financier.
(8) Article L.131-78 du Code monétaire et financier, article L.163-2 du Code monétaire et financier.