Le sénateur Philippe Bas a déposé une proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste.
Cette proposition s’inscrit dans la continuité des attaques terroristes du 13 novembre 2015 et dans la perspective de l’achèvement de la situation d’exception que constitue l’état d’urgence (1).
Coup de projecteur sur ce qui pourrait être le nouveau cadre législatif de la lutte antiterroriste.
Le premier des cinq titres composant la proposition de loi se donne pour objectif d’accroître l’efficacité des enquêtes et des informations judiciaires menées dans le domaine de la lutte antiterroriste.
Les deux premiers articles proposent de modifier le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance en matière de terrorisme.
Pour les premières, il est proposé d’aligner la procédure de perquisition dans les locaux d’habitation sur celle de l’enquête de flagrance afin, notamment, de permettre de réaliser la perquisition sans l’accord et en l’absence de l’occupant.
Pour les enquêtes de flagrance, il est envisagé de porter à 15 jours la durée de renouvellement du régime de flagrance, qui est actuellement de 8 jours, lorsque l’infraction projetée constitue certains des crimes et délits se rapportant au terrorisme.
Quatre articles du titre I élargissent les technologies auxquelles pourraient recourir les enquêteurs en matière de terrorisme.
Tout d’abord, il est prévu d’élargir le champ de la saisie de données de messageries électroniques hors du cadre de la perquisition et d’alléger la procédure de captation de données informatiques en supprimant l’autorisation ministérielle préalable.
Ensuite, le texte octroie au parquet des techniques d’investigation plus larges en lui permettant :
- de recourir à la technique de l’IMSI catcher, qui est un matériel en forme de boitier constitué d’une sorte d’antenne relais permettant d’intercepter le trafic téléphonique ;
- d’aligner ses pouvoirs sur celui du juge d’instruction s’agissant de l’installation de dispositifs techniques permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles et d’images dans les lieux privés.
Parallèlement, il propose une compétence concurrente du Tribunal de grande instance de Paris pour toute les affaires de cybercriminalité, notamment celles qui relèvent de l’atteinte à un système de traitement automatisé de données et, dans le même temps, entend supprimer la compétence exclusive de cette juridiction pour les délits d’apologie et provocation à des actes terroristes et de consultation de sites terroristes.
Le titre I s’achève en prévoyant la possibilité pour le juge des libertés et de la détention d’autoriser par courrier électronique la réalisation d’une perquisition en dehors des horaires de droit commun, soit avant 6 heures et après 21 heures.
Les sept articles du titre II sont consacrés à la répression des infractions terroristes.
Son ainsi créées trois nouvelles infractions, celle de consultation habituelle de sites terroristes, celle d’entrave au blocage judiciaire ou administratif de contenus faisant l’apologie d’actes de terrorisme et le délit de séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes, étant précisé que pour cette dernière infraction le seul séjour suffit à caractériser le délit sans qu’il soit nécessaire de démontrer la réalisation ou la prévision d’une entreprise terroriste.
Les autres articles prévoient des aggravations de peine et de détention, en :
- criminalisant l’infraction d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, l’assortissant d’une peine de quinze ans de réclusion criminelle ;
- doublant à deux ans la durée maximale de détention provisoire pour les mineurs de 15 ans révolus en lien avec une entreprise terroriste ;
- systématisant la peine complémentaire d’interdiction du territoire français en cas de condamnation pour l’une des infractions visées aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du Code pénal, sauf motivation contraire de la juridiction saisie.
Le titre III porte, quant à lui, sur les mesures d’exécution des peines. Il prévoit principalement :
- de mettre en place des unités dédiées où l’encellulement individuel prévaudra au sein des établissements pénitentiaires pour les détenus radicalisés ou en voie de radicalisation ;
- l’établissement d’une période de sûreté ou de surveillance pour les personnes condamnées pour terrorisme à l’issue de l’exécution de leur peine ;
- d’exclure les condamnés pour une infraction terroriste de la plupart des procédures de réduction de peine.
Le titre IV contient un seul article qui apporte des précisions sur les conditions d’exercice des perquisitions administratives consacrées par la loi du 20 novembre 2015.
Il détaille les conditions de saisie d’objets ne permettant pas de démontrer la commission d’une infraction pénale, mais qui serait de nature à prévenir des menaces à l’ordre public.
Il précise la possibilité de saisir non pas seulement la copie de données informatiques mais également, dans un souci technique, les supports sur lesquels ces données sont contenues, afin de pouvoir les extraire a posteriori. Précisant, par ailleurs, que lesdites données ne pourront être conservées que pendant trois mois.
Enfin, le titre V contient des dispositions transitoires.
De ce patchwork répressif émane un double sentiment. Un sentiment de légitimité, au regard des atrocités commises et de l’impériosité d’y mettre un terme, et un sentiment de crainte quant aux dérives qu’il pourrait générer, tant certaines des dispositions envisagées sont attentatoires aux libertés individuelles.
Or le nécessaire équilibre qui doit gouverner à l’application de telles mesures rencontre une difficulté majeure relative à l’appréciation des articles 421-1 et suivants du Code pénal qui définissent le terrorisme d’une manière aussi large qu’imprécise.
Avant de redéployer l’arsenal répressif, il conviendrait de préciser la notion de terrorisme afin d’éviter la dérive sécuritaire redoutée.
Virginie Bensoussan-Brulé
Julien Kahn
Lexing Droit presse et pénal numérique
(1) PLO Sénat n°280 du 17-12-2015.