Machine To Machine – Le dernier observatoire des services mobiles, publié le 2 mai 2013 dernier par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), est éloquent : le nombre de cartes Sim déployées pour des applications de type Machine To Machine et permettant de relier des objets communicants entre eux a bondi de 50% en une année, pour s’établir à 5,3 millions de cartes en service.
Cet accroissement spectaculaire montre bien que notre futur sera, vraisemblablement très rapidement, constitué d’une multitude d’objets interconnectés, soit par voie hertzienne, soit par voie filaire, s’échangeant des informations, soit à la demande, soit à la volée.
Ce développement risque cependant de rencontrer, tout aussi rapidement, les limites que constitue la rareté des ressources en numérotation, d’une part, et des ressources en fréquences, d’autre part.
Cette rareté est la conséquence de ce que ces deux ressources s’inscrivent dans un ensemble fini : la ressource en numérotation s’épuise à chaque carte Sim installée dans ces machines. Il en est de même de la ressource en fréquences, dès lors que ces machines, en communiquant, empruntent, ne serait-ce que pour un court instant, un canal radio prélevé sur le trafic voix et données normalement alloué aux services de téléphonie mobile qu’ils empruntent.
Or, comme pour toute ressource rare, la gestion de la pénurie est un exercice des plus acrobatiques.
Il l’est d’autant plus que, s’agissant particulièrement des fréquences, cet exercice est partagé par tous les pays du monde, dans le cadre d’une coordination internationale du spectre radioélectrique et d’une allocation la plus unifiée possible des usages en fonction des bandes et des blocs de fréquences considérés.
Corrélativement, si le progrès des technologies conduit à l‘obsolescence de certains usages, qui peuvent ainsi libérer les fréquences qui leur étaient allouées, les besoins en ressource hertzienne et en bande passante progressent cependant plus vite que ne se constatent les libérations du spectre, de sorte que la tension sur les gestionnaires de ce spectre augmente.
Enfin, les besoins en ressources nouvelles vont généralement dans le sens d’une augmentation des débits demandés afin d’acheminer des contenus de plus en plus voraces en bande passante.
Jusqu’à présent, la question de savoir s’il est raisonnable d’utiliser les réseaux de téléphonie mobile 3G, voire au-delà, pour des applications de type Machine To Machine ne semble pas vraiment s’être posée.
Il est vrai que ces réseaux ont une couverture quasi nationale, qu’ils offrent, globalement, un excellent niveau de qualité de service et qu’ils ont été conçus pour acheminer de la donnée.
Vu des opérateurs, qui ont de fortes contraintes de coûts fixes à gérer, proposer l’accès à leur réseau pour des applications Machine To Machine présente également l’avantage non négligeable de « remplir » leur réseau, notamment aux heures de faible trafic, qui plus est pour des usages demandant généralement une très faible bande passante (quelques centaines de kilobits, par exemple pour faire de la télérelève de compteurs électriques ou pour gérer des demandes de réapprovisionnements dans des distributeurs automatiques de boissons).
Ceci dit, le coût d’usage de tels réseaux semble avoir décidé certains fournisseurs de services ou éditeurs d’applications à s’orienter vers des solutions moins coûteuses, tant en termes de déploiement d’infrastructures radio, que de prix des fréquences radioélectriques mises en œuvre.
En effet, certaines bandes de fréquence, comme les bandes 433 MHz et 868 MHz, ont été autorisées par la réglementation européenne pour des usages de transmission de données.
Elles présentent un certain nombre d’avantages.
Le premier est qu’elles permettent, d’une part, une pénétration radio très efficace, notamment dans les bâtiments, contrairement à certaines des bandes de fréquences utilisées pour les réseaux 3G et 4G et qu’elles autorisent, d’autre part, l’obtention d’une couverture du territoire beaucoup plus simple à atteindre, avec considérablement moins d’émetteurs que pour les réseaux mobiles actuels.
Par ailleurs, la mise en œuvre de ces fréquences ne nécessite aucun paiement de redevance de mise à disposition, contrairement à la situation que rencontrent les opérateurs de réseaux mobiles qui payent leurs fréquences à prix d’or, parfois après mise aux enchères.
Enfin, l’exploitation des services de type Machine To Machine ne demande aucune formalité préalable de déclaration auprès du régulateur sectoriel dès lors que ces services restent cantonnés à des applications ou à des dispositifs de courte portée, mettant en jeu des puissances d’émission radioélectrique inférieure aux seuils imposés par la réglementation.
Il est donc primordial de bien faire coïncider le projet de déploiement d’un tel réseau avec les contraintes réglementaires qui peuvent, le cas échéant, s’appliquer. Ces contraintes évoluent régulièrement, notamment sous l’influence des textes communautaires, d’une part, et des fluctuations réglementaires liées à la coordination des usages de fréquences au plan international et aux frontières, d’autre part.
Seule une parfaite connaissance de l’état de l’art et de la situation légale et réglementaire sont donc gage d’un déploiement conforme aux textes sectoriels dans le domaines des communications électroniques qui, selon les hypothèses prises, nécessiteront, ou non, la réalisation de formalités déclaratives auprès de l’Arcep et le dépôt de demandes d’attribution de fréquences.
Frédéric Forster
Lexing Droit Télécoms