Un accord provisoire visant à supprimer les obstacles à la portabilité des contenus numériques a été conclu le 7 février 2017.
Le projet de portabilité des contenus numériques était en gestation depuis 2013 au sein de l’Union européenne. Par un accord en date du 7 février 2017, le Parlement européen, les Etats membres et la Commission européenne entérinent la proposition de règlement du 9 décembre 2015 (1). Cette proposition vise à assurer la possibilité pour les européens d’accéder à leurs services de contenu culturel et de divertissement en ligne lorsqu’ils voyagent (2).
La portabilité transfrontalière prend racine dans la mutation importante des modes de consommation de contenus sur internet et favorise une émancipation des individus. Si les nouvelles règles de portabilité s’adaptent à un véritable souhait des européens, il convient de s’assurer que les règles de protection du droit d’auteur ne se trouvent pas drastiquement restreintes par la promotion du marché unique numérique.
La problématique du droit d’auteur
La bataille contre la portabilité transfrontalière a été menée par une partie des titulaires de droit, invoquant l’un des principes fondamentaux du droit d’auteur, la territorialité. Le respect d’un partage géographique de l’exploitation des droits offre une rémunération équitable des auteurs et influe positivement sur la production, le financement et la distribution des contenus audiovisuels.
En conséquence, le maintien d’une licence territoriale fondement du blocage des contenus, constitue l’assurance de la sauvegarde de la rémunération des ayants droit. Or, l’évolution du numérique et des comportements oblige la recherche d’un équilibre entre la liberté des consommateurs et les intérêts des titulaires de droits.
Cette recherche d’équilibre participe d’une plus large volonté des instances européennes de réformer le droit d’auteur au sein de l’Union, afin de l’adapter aux défis modernes.
Dans le cas précis de la portabilité des contenus, l’ouverture ne joue que pour les consommateurs qui se trouvent de manière temporaire dans un autre Etat membre. Il n’est donc pas question de remettre en cause le principe de territorialité. Le règlement n’autorise pas une personne résidant en Allemagne à bénéficier d’un abonnement au service de Canal + France.
Le risque pour le droit d’auteur réside dans la définition que l’on choisit de donner à la notion de « séjour temporaire ».
Les négociateurs n’ont pas opté pour un nombre de jours prédéfinis mais ont préféré laisser le soin aux fournisseurs de service de mettre en place des mesures de contrôle auprès de leurs abonnés. Dès lors, ces fournisseurs pourront vérifier le pays de résidence en contrôlant le détail de la facturation, l’existence d’un contrat internet ou l’adresse IP et suspendre le service, si des abus sont révélés.
Andrus Ansip, vice-président chargé du marché unique numérique, considère l’accord obtenu comme « une nouvelle étape importante dans la suppression des obstacles au marché unique numérique »(3).
Le futur règlement couvre-t-il pour autant tous les services de contenus en ligne ?
La portabilité limitée aux services payants (4)
Le nouveau règlement vise les services de contenus qui sont fournis contre rémunération. Il convient donc d’exclure du champ de la portabilité les services gratuits, tels que les services proposés par les diffuseurs publics. Le blocage géographique, dans ce domaine, pourra être maintenu et l’accès possible du seul lieu de résidence.
Si le diffuseur choisi d’opter pour une portabilité de ses services, toutes les obligations qui pèsent sur le fournisseur de services payants lui seront applicables.
Il convient de préciser que les manifestations sportives retransmises par des services premium en ligne entrent dans le cadre du règlement et il sera donc possible, pour une personne séjournant à l’étranger, de regarder des événements sportifs dont les droits n’ont été accordés que pour un territoire particulier.
En l’état, il n’y a pas, dans le règlement, de dispositions relatives à une obligation de qualité mise à la charge des entreprises pour la diffusion en dehors du pays d’origine, comme il l’existe au niveau national pour les Etats membres.
Le système doit encore être formellement approuvé par le Conseil et le Parlement européen. Il commencera à s’appliquer neuf mois après la date de publication du règlement au Journal officiel de l’Union européenne, laissant aux fournisseurs de service le temps de s’adapter aux nouvelles mesures. Dès lors, il est vraisemblable que les clients des services de contenus numériques profitent de ces nouvelles règles à partir de janvier 2018.
L’accès au contenu depuis un Etat membre sera d’autant plus apprécié à partir du 15 juin 2017, date à laquelle les opérateurs de télécommunication, dans les pays membres de l’Union européenne, doivent mettre fin aux frais d’itinérance, autrement dit, permettre l’accès à internet sur un mobile, dans tous les pays de l’Union, au tarif national.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
Lexing Propriété intellectuelle
(1) UE Proposition de règlement du 9-12-2015
(2) Post du 7-1-2016
(3) UE Communiqué de presse du 7-2-2017
(4) UE Fiche d’information du 8-2-2017