Marques et noms de domaine
Marque communautaire
Appréciation du risque de confusion entre deux marques en matière informatique
Par décision du 22 mai 2008, le Tribunal de première instance des communautés européennes (TPICE) a rappelé les principes essentiels qui gouvernent l’appréciation du risque de confusion entre deux marques en matière informatique. En premier lieu, le périmètre de protection d’une marque est défini par le libellé des produits et des services pour lequel elle est déposée et/ ou enregistrée. En second lieu, la similitude entre un signe complexe, composé d’éléments verbaux et figuratifs et un autre signe est caractérisée lorsqu’un des composants du signe complexe qui domine l’impression d’ensemble produite par ce signe est repris dans un autre signe.
Le 20 mars 2002, la société taiwanaise NewSoft Technology Corp. procédait à une demande de marque communautaire verbale Presto : BizCard Reader revendiquant des produits et des services informatiques (classes 9 et 42), ainsi que des produits relevant de la classe 16, notamment des manuels d’instruction, brochures, dépliants et imprimés concernant les programmes et données d’ordinateurs et les logiciels. Cette marque a été enregistrée le 10 juillet 2003. Le 12 novembre 2003, la société espagnole Soft SA a introduit une demande en nullité de la marque communautaire précitée, invoquant un risque de confusion avec quatre marques antérieures espagnoles enregistrées à son nom et composées de l’élément verbal PRESTO et d’un élément figuratif. La division d’annulation de l’Office pour l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) a examiné le bien fondé de la demande en nullité au regard de deux marques espagnoles antérieures opposées et a déclaré la nullité de la marque communautaire Presto : BizCard Reader pour l’ensemble des produits et des services informatiques (classes 9 et 42), ainsi que pour une partie des produits relevant de la classe 16. La Chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’annulation de l’OHMI.
Devant le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, les arguments de la société taiwanaise NewSoft Technology Corp., requérante, n’ont pas été accueillis plus favorablement. En ce qui concernait les produits et services en cause, elle avançait notamment que les logiciels vendus par la société Soft Sa et les siens ne pouvaient pas être confondus par les consommateurs dans la mesure où les logiciels comparés ne visaient pas le même type de consommateur, les uns étant destinés à des entrepreneurs en bâtiment pour évaluer et contrôler les coûts de construction, les autres s’adressant à des commerçants pour gérer leurs contacts professionnels. Elle soulignait également que les circuits de commercialisation des logiciels étaient différents : ses produits étaient vendus sur internet contrairement à ceux de la société Soft Sa proposés dans un réseau de points de vente en Espagne, au Portugal et en Amérique du Sud. Eu égard à l’appréciation des signes, elle soutenait que l’élément figuratif placé au premier plan était déterminant dans l’impression d’ensemble produite par la marque et que l’élément verbal PRESTO n’était ni l’élément dominant, ni l’élément distinctif des marques en conflit. Dès lors le risque de confusion entre les signes des marques comparées n’était pas caractérisé.
Les juges du TPICE ont balayé ses arguments. Ils ont tout d’abord rappelé que « la comparaison des produits exigé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n°40/94 doit porter sur le libellé des produits désignés par la marque antérieure et non sur les produits pour lesquels cette marque est effectivement utilisée (…). Par ailleurs, s’agissant des produits visés par la marque communautaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de nullité, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits, telle qu’elle figure dans l’acte d’enregistrement de la marque communautaire, sous la seule réserve des éventuelles modifications de cette liste postérieure à cet acte. Par conséquent, les affirmations de la requérante afférentes aux produits spécifiques pour lesquels elle utilise la marque communautaire sont dépourvus de pertinence en l’espèce, la requérante n’ayant pas modifié la liste des produits visés par ladite marque ».
Le débat a également porté sur la qualification de l’élément dominant des signes des marques en conflit. En la matière, le principe jurisprudentiel communautaire est clairement établi et rappelé dans la présente décision : « quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe ».
A l’analyse des marques espagnoles antérieures, les juges ont relevé que l’élément figuratif était d’une dimension semblable à celle de l’élément verbal, que le dessin qui le constituait n’était ni particulièrement remarquable, ni particulièrement frappant dans la perception d’ensemble des marques antérieures. Enfin il n’avait pas de « force évocatrice autonome ». Au contraire, cet élément figuratif se référait à la fonction d’un produit vendu par la société Soft SA, il était donc descriptif. Or, comme souligné par le TPICE « un élément d’une marque complexe qui est descriptif des produits désignés par cette marque ne peut être considéré, en principe, comme étant l’élément dominant de celle-ci ». Il ajoute que « lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque ».
Au sein de la marque contestée, les juges ont mis en avant que la seconde partie du signe, à savoir « bizcard reader », était descriptive des produits couverts par la marque communautaire pour le consommateur espagnol qui a une certaine connaissance de la langue anglaise. Elle ne peut donc pas constituer l’élément distinctif et dominant de l’impression d’ensemble produite par la marque communautaire contestée, contrairement à PRESTO, qui n’est pas descriptif et qui est placé au début de la marque devant « BIZCARD READER ».
Au terme d’une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes des marques, et après avoir notamment relevé que « la différence phonétique entre les deux signes, résultant de l’ajout « BIZCARD READER » n’est pas suffisante pour écarter une certaine similitude phonétique découlant de l’identité constatée entre l’élément dominant de la marque communautaire et celui des marques antérieures », les juges ont conclu que les marques en conflit présentaient des éléments importants de similitude et que « l’identité visuelle et phonétique des éléments dominant des marques en conflit (« presto ») l’emporte globalement sur les différences visuelles et phonétiques dues à la présence de l’élément figuratif négligeable dans les marques antérieures et de l’élément verbal secondaire et accessoire »bizcard reader ».
Par conséquent, pour les juges que « le public pertinent gardera en mémoire l’élément dominant des marques antérieures et quand il verra des produits et des services, identiques ou similaires, désignés par la marque communautaire, ou qu’il sera fait référence oralement à ceux-ci par le biais de cette marque, ce public, nonobstant le fait qu’il puisse être parfois plus attentif et avisé pour l’achat de certains produits et des services visés, pourra attribuer la même origine commerciale aux produits en question. Dès lors, même si le public pertinent est capable d’appréhender certaines différences entre les signes en conflit, le risque d’établir un lien entre les marques est très réel ».
TPICE, 2 mai 2008, aff. T-205/06
(Mise en ligne Octobre 2008)