Marque tridimensionnelle. Dans une décision du 18 septembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a démontré qu’elle n’entendait pas accepter aisément l’existence des marques tridimensionnelles.
Dans cette affaire, le groupe Stokke est titulaire d’une marque Benelux, pour une marque tridimensionnelle représentant une chaise haute réglable , correspondant à la représentation de la chaise dite « Tripp Trapp » qu’il commercialise depuis plusieurs années.
De son côté, la société Hauck produit et distribue des articles pour enfant dont deux modèles de chaises nommés « Alpha » et « Beta ».
Le groupe Stokke a introduit un recours contre la société Hauck, considérant que la vente des chaises « Alpha » et « Beta » violait ses droits d’auteur et ses droits attachés à la marque tridimensionnelle Tripp Trapp. Reconventionnellement, la société Hauck a demandé l’annulation de la marque tridimensionnelle. Une juridiction néerlandaise a fait droit à toutes ces demandes. Saisi d’un pourvoi en cassation, la Cour suprême des Pays-Bas a saisi la Cour de justice de l’Union européenne de trois questions préjudicielles.
Ces trois questions portent sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive sur les marques (1), qui dispose que « sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés les signes constitués exclusivement :
- par la forme imposée par la nature même du produit (…) ;
- par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ».
Les éléments essentiels de la décision de la CJUE sont les suivants :
- les formes dont les caractéristiques essentielles sont inhérentes à la fonction ou aux fonctions génériques de ce produit, que le consommateur peut éventuellement rechercher dans les produits des concurrents, doivent être refusées à l’enregistrement ;
- la notion de « forme qui donne une valeur substantielle au produit » ne saurait être limitée à un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit ayant plusieurs caractéristiques pouvant lui conférer différentes valeurs substantielles, comme une valeur artistique ou ornementale, elle doit également s’appliquer aux produits qui en sus d’une valeur substantielle, détiennent une caractéristique fonctionnelle ;
- ces deux dispositions ne peuvent pas s’appliquer de manière combinée.
L’interprétation donnée par cet arrêt aux notions de « forme imposée par la nature même du produit » et de « forme qui donne une valeur substantielle au produit » est très sévère à l’égard des formes qui, comme la chaise « Tripp Trapp » sont associées par le consommateur à l’entreprise qui en est l’initiatrice.
Anne-Sophie Cantreau
Isabelle Carre
Lexing Droit des marques
(1) Première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JOCE (L) 1989), applicable à l’époque des faits. Cette directive a été ultérieurement remplacée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25). Dans ces deux actes de droit, les articles 3, paragraphe 1, sous e), dont le libellé est identique, régissent la question des marques issues de la forme du produit.