Un pharmacien a ouvert un entrepôt de 350 m² situé dans une commune voisine, dans le cadre de son activité de vente de médicaments en ligne débutée en novembre 2012. Il en a informé l’Agence régionale de santé de Basse Normandie (ARS) et, après un débat contradictoire, a été mis en demeure, de fermer l’entrepôt afin de se mettre en conformité avec la réglementation.
En France, le commerce électronique de médicaments est autorisé depuis 2012 (1). Le principe était en réalité déjà posé par l’arrêt « DocMorris » du 11 décembre 2003 de la CJUE. La directive communautaire n°2011/62/UE du 8 juin 2011 est venue en préciser le régime juridique, en laissant toutefois une marge d’appréciation aux Etats Membres concernant le niveau de protection de la santé publique. Ainsi, la France a autorisé la vente en ligne de médicaments aux seuls pharmaciens et les ARS sont chargées d’en contrôler l’activité, notamment la conformité avec l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique.
En l’espèce, la décision de l’ARS portant mise en demeure du pharmacien critiquait l’éloignement de l’entrepôt par rapport à l’officine, en invoquant deux fondements juridiques distincts :
- le premier relève de dispositions spécifiques à la vente de médicaments en ligne, à savoir l’article 6.1 de l’arrêté du 20 juin 2013 qui dispose : « La préparation des commandes liées au commerce électronique de médicaments, ne peut se faire qu’au sein de l’officine, dans un espace adapté à cet effet. L’activité de commerce électronique est réalisée dans le respect des conditions générales d’installation de l’officine prévues par la réglementation, notamment par l’article R.5125-9 du Code de la santé publique (CSP). » ;
- le deuxième fondement relève de dispositions générales, plus particulièrement l’article R.5125-9 du CSP, qui dispose : « Les locaux de l’officine forment un ensemble d’un seul tenant (…). Toutefois, les lieux de stockage peuvent se trouver à proximité immédiate, à condition qu’ils ne soient pas ouverts au public et ne comportent ni signalisation, ni vitrine extérieure. »
Le pharmacien a contesté la décision de l’ARS devant le Tribunal administratif de Caen qui l’a annulée par un jugement du 14 avril 2015 (2), pour défaut de base légale :
- d’une part, l’arrêté du 20 juin 2013 a été annulé le 16 mars 2015 par le Conseil d’Etat, ce qui a pour conséquence de priver rétroactivement la décision attaquée de fondement juridique (3) ;
- d’autre part, le Tribunal relève que l’obligation de l’article R.5125-9 du CSP constitue une restriction non justifiée par un impératif de protection de la santé publique, et incompatible avec l’objectif de la directive n°2011/62/UE, transposée ultérieurement, de « protéger le fonctionnement du marché intérieur des médicaments tout en garantissant un niveau de protection élevé de la santé publique contre les médicaments falsifiés ». Cette incompatibilité prive la décision attaquée de base légale.
La portée de cette décision doit toutefois être relativisée, dans la mesure où il ne s’agit que d’une décision de première instance, susceptible d’appel. En outre, si les dispositions réglementaires en cause ont été écartées dans le cadre de ce litige, elles restent néanmoins en vigueur. Seul le pouvoir réglementaire, ici le Premier Ministre, peut retirer ou modifier cette obligation concernant les lieux de stockage et leur éloignement de l’officine.
Marguerite Brac de La Perrière
Aude Latrive
Lexing Droit Santé numérique
(1) Ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012 et décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012
(2) Tribunal administratif de Caen, 14 avril 2015, n°1402160
(3) Cf. Marguerite Brac de la Perrière, « Vente en ligne de médicaments : nouveau rebondissement ! », JTIT n°157, mai 2015.