L’article 495, alinéa 3 du CPC ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution d’une mesure d’instruction.
Le principe des décisions. Suspectant leurs anciens salariés d’actes de concurrence déloyale, des sociétés ont sollicité, par voie de requête, la mise en œuvre d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (1).
Leurs demandes ont été accueillies par ordonnances des 22 novembre 2010 et 19 octobre 2012, autorisant ainsi le recueil, par un huissier de justice, de divers documents dans leurs locaux.
Au motif qu’elles n’avaient pas été notifiées par les huissiers de justice désignés, préalablement à leurs opérations, à toutes les personnes dont les noms figuraient dans les requêtes, les salariés ont sollicité la rétractation de ces ordonnances.
La Cour d’appel de Paris ayant rétracté les ordonnances alors que la Cour d’appel de Lyon le refusait, les deux décisions ont fait l’objet d’un pourvoi.
Dans ces deux affaires (2), la Cour de cassation a considéré que la remise d’une copie de la requête et de l’ordonnance ne s’appliquait qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure qu’elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé.
Les conséquences. En vertu de l’article 145 du Code de procédure civile, tout intéressé peut solliciter une mesure d’instruction s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. La personne qui supporte la mesure n’a pas à être le défendeur potentiel au futur procès (3).
L’article 495, alinéa 3, du Code de procédure civile (4) dispose, quant à lui, que copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle la mesure est opposée.
Reste à savoir si cette exigence s’applique à toutes les personnes concernées par la mesure (en particulier, aux défendeurs au procès éventuel en vue duquel est sollicitée la mesure) ou seulement à la personne qui fait l’objet de la mesure.
La Cour de cassation a tranché cette question en jugeant que cette exigence ne s’appliquait qu’à la personne supportant directement l’exécution de la mesure. Ce faisant, elle resitue à son juste niveau procédural le respect du contradictoire. En effet, le défendeur à la mesure d’instruction n’ayant pas été présent lorsque la décision a été ordonnée, il doit pouvoir retrouver ses droits lors de l’exécution de la mesure sous peine de lui causer un grief source de nullité.
En revanche, le défendeur au procès éventuel, s’il n’est pas concerné personnellement par la mesure d’instruction, n’a pas à se voir notifier la requête et l’ordonnance : non concerné par la mesure d’instruction, il ne risque pas de subir un grief du fait de l’exécution elle-même de la mesure. De ce fait, il n’a pas à profiter de la protection accordée par l’article 495, alinéa 3, du Code de procédure civile.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
Lexing Contentieux informatique
(1) CPC, art. 145.
(2) Cass. 2e civ. 4-6-2015 n°14-16647 Acxior Corporate finance c. M. X..
(2) Cass. 2e civ. 4-6-2015 n°14-14233 Groupe Ats-Be c. Sociétés Bel et Edaic.
(3) Cass. 2e civ. 27-2-2014 n° 13-10.013.
(4) CPC, art. 495, al. 3.