La militarisation de l’espace est un phénomène traité directement et indirectement par le traité de l’espace de 1967. Il s’agit d’une notion particulièrement large puisqu’elle intègre tant les techniques de renseignement et de défense positionnés sur l’orbite extra-atmosphérique que les moyens militaires permettant de les détruire, comme les missiles antisatellites.
A ce titre, l’espace est en réalité d’ores et déjà très militarisé et cette tendance s’accélère avec, notamment, la création récente, aux Etats-Unis, d’un nouveau corps de l’armée américaine dédié intégralement à la défense de l’espace (1).
En effet, les Etats profitent des limites des règles internationales pour développer de plus en plus leur arsenal militaire dans l’espace.
Une interdiction partielle de la militarisation de l’espace
La militarisation de l’espace est partiellement limitée par le Traité de l’espace de 1967 qui rend illégale toute utilisation d’armes nucléaires ou d’armes de destruction massive dans l’espace.
L’article IV du chapitre A du traité dispose que les Etats signataires « s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique. »
Toutefois, cette interdiction fait l’objet de deux écueils majeurs : la notion d’arme de destruction massive n’est pas définie par le traité et le traité autorise implicitement tout autre type d’arme.
En effet, l’absence de définition d’arme de destruction massive peut avoir pour conséquence soit d’inclure une catégorie d’armes dans l’interdiction prévue par le texte soit de l’en exclure.
En outre, il n’existe pas de définition reconnue par la communauté internationale qui pourrait corriger cette imprécision.
Tout au mieux, il est généralement admis, depuis la résolution 1540 soutenue par les Etats-Unis devant l’ONU pour justifier son intervention en Irak, que les armes de destruction massive comprennent à la fois les armes nucléaires, chimiques et biologiques (2).
Or, le traité ne s’applique qu’aux armes de destruction massive, les armes conventionnelles étant implicitement autorisée.
En conséquence, une arme qui ne serait pas considérée comme une arme de destruction massive serait donc automatiquement considérée comme étant une arme conventionnelle, dont l’usage n’ est pas interdit par le traité de 1967.
L’utilisation pacifique des corps célestes
Les corps célestes bénéficient d’un statut protecteur bien plus important que l’espace extra-atmosphérique puisque le traité considère que les corps célestes, c’est-à-dire, les astéroïdes, les autres planètes et la Lune doivent être utilisés, « exclusivement à des fins pacifique » (Art. IV du chap. A du Traité de l’espace de 1967).
En conséquence, « sont interdits sur les corps célestes l’aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manœuvres militaires » (Art. IV du chap. A du Traité de l’espace de 1967).
Dès lors, contrairement à la réglementation prévue pour les armes utilisées dans l’espace extra-atmosphérique, l’interdiction de militariser les corps célestes est générale et concerne, par conséquent, toute catégorie d’armes, qu’il s’agisse d’arme conventionnelle ou d’arme de destruction massive.
Une incertitude sur la mise en œuvre des sanctions
Au-delà des problèmes provenant des imprécisions du texte, aucune sanction n’est prévue spécifiquement pour l’usage d’armes prohibées ou pour l’utilisation à des fins militaires des corps célestes.
En théorie, le bureau des affaires spatiales des Nations Unis (UNOOSA) doit veiller au respect du traité de l’espace par les Etats. Toutefois, alors que le traité prévoit explicitement des régimes de responsabilité pour les dommages causés par les objets spatiaux et la responsabilité relative à l’obligation d’autorisation et de surveillance pesant sur les Etats, aucune de ces dispositions ne concerne l’interdiction de militarisation de l’espace.
En conséquence, cette interdiction peut, en réalité, être considérée comme inexistante par des Etats qui, en cas d’usage, ne pourront pas être sanctionnés.
Plusieurs propositions de nouveaux traités ont été formulées afin de mieux encadrer la militarisation de l’espace. Elles ont toutes été repoussées comme, par exemple le projet de code de conduite international pour les activités menées dans l’espace extra-atmosphérique (3) proposé par la Russie et soutenu par l’Union européenne par l’intermédiaire de la décision du Conseil du 9 février 2015 (4).
Alain Bensoussan Avocats
Lexing Constructeurs Informatique et Telecom
(1) S. Bouchacourt, « L’armée américaine va nommer « un général de l’espace » », Le Point.fr 21-6-2017.
(2) Article « Arme de destruction massive » de Wikipédia en français.
(3) Chris Johnson, Projet de Code international : « Draft International Code of Conduct for Outer Space Activities« , SWFound.org, fév. 2014.
(4) Décision (PESC) 2015/203 du Conseil du 9-2-2015 visant à soutenir la proposition de code de conduite international pour les activités menées dans l’espace extra-atmosphérique, présentée par l’Union, afin de contribuer aux mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales (JOUE L 33 du 10.2.2015, p. 38–44 )