NFT Metabirkin : ouverture imminente du procès en contrefaçon

NFT Metabirkin

Dans quelques jours, s’ouvrira à New York le procès au fond concernant l’affaire des NFT Metabirkin. L’occasion de faire le point sur cette affaire qui pourrait donner les premières règles d’appréciation de la contrefaçon de marque dans le métavers.

Usage de marque pour désigner une création NFT

Pour mémoire, en 2021, l’artiste américain, Mason Rothschild avait présenté à Art Basel Miami, une œuvre numérique « MetaBirkin ». Celle-ci reproduisait le modèle de sac iconique de la maison Hermès paré de fausse fourrure. L’artiste avait, par la suite, émis une série de cent NFTs Metabirkin reproduisant différentes déclinaisons dudit sac.

Le 14 janvier 2022, la société Hermès assigne l’artiste américain devant le tribunal fédéral de New York en contrefaçon de son modèle de sac Birkin et de la marque correspondante.

Elle lui reproche d’avoir créé des contrefaçons de son sac sous forme de NFTs et de les avoir vendus sur le métavers contre de la cryptomonnaie pour l’équivalent de centaines de milliers d’euros (1).

Contrefaçon vs. Liberté de création

Dans un premier temps, l’artiste soulève l’irrecevabilité de la demande en se fondant sur le premier amendement de la Constitution américaine qui consacre le principe de liberté d’expression. Il explique que les NFT litigieux sont des œuvres d’art dénonçant la maltraitance animale.

Après avoir vu sa demande d’irrecevabilité rejetée par une décision du 5 mai 2022, l’artiste américain s’est vu refusé la possibilité d’interjeter appel, par une décision du 30 septembre 2022. Cependant, dans sa décision, la US District Court of Southern District of New York retient l’applicabilité du « Rogers test » annonçant ainsi les termes du débat à venir.

En effet, en droit américain, le « Rogers test », dont le nom est tiré de l’affaire Rogers v. Grimaldi ayant opposé la célèbre artiste Ginger Rogers à la MGM, permet de mettre en balance les droits de marque et la liberté de création artistique.

En synthèse, il n’y a pas d’atteinte à la marque dès lors que la reproduction reprochée s’applique :

  1. au titre d’une œuvre artistique et
  2. n’induit pas en erreur quant à la source ou au contenu de l’œuvre.

NFT et œuvre d’art

Au cas particulier, l’artiste fait valoir que le signe « Metabirkin » s’applique à une œuvre d’art visant à dénoncer la maltraitance animale et qu’il n’existe pas de risque de confusion dès lors que son site web mentionne expressément l’absence de tout lien avec la société Hermès.

En retenant l’applicabilité du Rogers test, la Cour retient l’applicabilité du Rogers test et partant, la possible qualification d’œuvre d’art des NFTs Metabirkin.

Si elle ne préjuge pas de la solution qui sera rendue au fond, cette décision contraste avec la décision rendue le 16 décembre 2022 par le Tribunal de district des Etats-Unis pour le district central de Californie dans une autre affaire de contrefaçon par des NFts (2).

Dans cette affaire, Yuga labs Inc., à l’origine de la célèbre série de NFT BAYC (Bored Ape Yacht Club) reproduisant des singes humanisés, a assigné en contrefaçon l’artiste Ryder Ripps pour avoir reproduit ses marques en lien avec ses propres NFTs.

Comme Mason Rothschild, Ripps invoque l’application du Rogers test pour faire échec à l’action en contrefaçon.

Cependant, le juge californien écarte l’applicabilité du test en relevant que les NFTs de Ripps n’expriment pas une idée ou un point de vue mais pointent « vers les mêmes images numériques en ligne associées à la collection BAYC ». Sauf à ce qu’il soit fait droit à son recours, Ripps devra donc se défendre des actes de contrefaçon reprochés sans pouvoir bénéficier de cette exception à l’application du Lantham Act.

Bien que rendues sur le terrain du droit et de la jurisprudence américaine, ces décisions témoignent des difficultés soulevées par la protection des NFTs comme l’a, en France, récemment rappelé le rapport du CSPLA (2) tout en nourrissant la réflexion juridique.

Interrogations et pistes de réflexion

Le droit français ne connaît pas l’équivalent du Rogers test. Les tribunaux nationaux sont néanmoins habitués à la confrontation numérique du droit des marques et de la liberté d’expression (3). Dans ce cas, il leur appartient de trouver un juste équilibre entre les deux libertés fondamentales que sont :

  • le droit de propriété et
  • la liberté d’expression.

Le premier ne pouvant, sauf abus caractérisé, limiter l’exercice de la seconde.

Dans tous les cas, l’apparition du métavers, pour lequel l’absence de cadre juridique propre (4) suscite nombre d’interrogations.

Le contentieux MetaBirkin illustre nombre d’entre elles, à commencer par celle du périmètre matériel de protection accordé à la marque. Celui-ci est délimité par les produits et services visés à son enregistrement (5). Dans le cadre du métavers, quelle protection pour les marques actuellement protégées pour des biens physiques et non pour leur représentation numérique ?

En effet, la marque BIRKIN n’est, à ce stade, pas protégée pour les produits et services numériques. A fortiori, elle ne l’est pas pour les NFTs. Si celle-ci peut logiquement se prévaloir d’une protection étendue fondée sur la renommée de sa marque, tel n’est pas de la majorité des marques susceptibles d’être reproduites dans le métavers.

Qualification juridique des NFTs

Or, à cet égard, la Cour Suprême britannique (U.K. High Court) a récemment appréhendé les NFT comme des biens susceptibles de protection légale en tant que tels, c’est-à-dire distincts de la chose représentée (6).

Si cette interprétation devait se confirmer, il serait nécessaire d’envisager le dépôt d’une marque :

  • non plus seulement pour les produits et services physiques projetés
  • mais également pour leur équivalent numérique dans le monde virtuel : produits et services logiciels notamment.

Mais, ici encore, la solution semble incertaine : dans sa décision du 30 septembre dernier, la US District Court of Southern District of New York a fait application d’une décision américaine consacrant l’interdiction de recourir à un dépôt de marque pour prolonger la protection d’une œuvre tombée dans le domaine public, en précisant explicitement que cette décision ne faisant aucune distinction entre objets tangibles et intangibles.

Appliquée au métavers, la solution permettrait de protéger les produits marqués contre leur avatar virtuel…

Le champ des questionnements est, on le voit, immense. La décision Metabirkin n’apportera vraisemblablement pas une réponse définitive à ces problématiques. Elle pourrait néanmoins fournir une tendance des décisions à venir.

Virginie Brunot
Cécile Merveilleux du Vignaux
Lexing Département propriété industrielle contentieux

Notes

(1) Virginie Brunot et Cécile Merveilleux du Vignaux, « Metabirkin : quel droit des marques dans le métavers ? », Alain-bensoussan.com, 04-07-2022.
(2) Marie Soulez et Rébecca Véricel, « Retour sur le rapport de la mission sur les NFT initié par le CSPLA », Alain-Bensoussan.com, 24-01-2023.
(3) V. Brunot et D. Wallon, « La liberté d’expression sur internet et le droit des marques », Gaz. Pal., Gazette du droit des technologies avancées, 23/24 juillet 2003.
(4) Alain Bensoussan,  « Droits et devoirs – Vers un droit des métavers ? », Planète robots n°72, Mars/Avril 2022.
(5) Classification internationale de Nice.
(6) Riah Pryor, « NFTs recognised as ‘legal property’ in landmark case », The Art Newspaper 29-04-2022.

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