S’inscrivant dans le droit fil de la première loi de lutte contre la contrefaçon du 29 octobre 2007 et du rapport d’évaluation de ladite loi par Messieurs Béteille et Yung du 9 février dernier, Monsieur le sénateur Béteille a déposé au Sénat, le 17 mai 2011, une nouvelle proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon. Cette proposition s’inscrit donc dans un corpus juridique national et communautaire existant et vise principalement à préciser ou clarifier la loi du 29 octobre 2007, dont l’évaluation avait donné lieu, au début de l’année, à 18 propositions d’améliorations (voir notre brève du 25 février 2011).
Renforcer la lutte contre la contrefaçon
Divisée en huit chapitres, la proposition de loi envisage, comme annoncé, de renforcer encore la spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle. Pour mémoire, la loi de 2007 et les décrets d’application subséquents avaient déjà limité la compétence des juridictions civiles en la matière en :
- transférant aux tribunaux de grande instance les litiges en matière de propriété intellectuelle, dispositions qui existaient déjà en matière de propriété industrielle ;
- confiant au seul Tribunal de grande instance de Paris les demandes en matière de brevets, supprimant ainsi la compétence de neuf tribunaux de grande instance auparavant compétents en la matière ;
- limitant à dix tribunaux de grande instance, les litiges en matière de marques, dessins et modèles, indications géographiques et propriété littéraire et artistique.
Le nouveau texte propose de limiter à cinq, le nombre de tribunaux de grande instance compétents en matière de propriété littéraire et artistique, dessins et modèles, marques et indications géographiques. Transposant le principe de la spécialisation à la matière pénale, la proposition de loi envisage la désignation de cinq tribunaux correctionnels exclusivement compétents pour connaître de « l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par le Code de la propriété intellectuelle, autres que ceux qui apparaissent d’une grande ou d’une très grande complexité ».
Prise en compte de la réparation des victimes d’actes de contrefaçon
La loi de 2007 envisageait déjà la réparation des victimes d’actes de contrefaçon par la prise en considération, dans l’évaluation des dommages et intérêt, des « conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte ». Estimant ces dispositions insuffisantes pour que la contrefaçon ne demeure pas une « faute lucrative », la proposition de loi envisage de distinguer, dans toutes les branches de la propriété intellectuelle, trois postes de préjudices distincts et cumulatifs, à savoir :
- la réparation des conséquences économiques négatives subies du fait de la contrefaçon ;
- la réparation du préjudice moral ;
- la prise en considération des bénéfices et des économies d’investissements réalisés par le contrefacteur.
Afin de renforcer l’efficacité du droit de la preuve et du droit d’information, dont la mise en œuvre avait suscité certaines interprétations divergentes, la proposition de loi entend préciser que le droit d’information peut être mis en œuvre avant même la décision de condamnation au fond, mettant ainsi fin à l’incertitude résultant de la maladresse de rédaction des articles L521-5 (dessins et modèles), L615-5-2 (brevets), L623-27-2 (obtentions végétales) ou encore L716-7-1 (marques) du Code de la propriété intellectuelle, lesquels visaient les « produits contrefaisant » (et non argués de contrefaçon), ce qui, appliqué à la lettre, supposait la reconnaissance du caractère contrefaisant des produits litigieux avant d’autoriser le recours au droit d’information.
Les articles L331-1-2 (propriété littéraire et artistique) et L722-5 (indications géographiques) visent respectivement les « marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur » et les services « portant atteinte à une indication géographique », ce qui laissait également subsister un doute quant au moment de la mise en œuvre du droit à l’information.
Par ailleurs, la proposition précise que la liste des documents ou informations visés par ces articles et susceptibles d’être demandés n’est pas exhaustive. Dans le même ordre, la proposition prévoit que « le juge peut ordonner la production d’éléments de preuve détenus par les parties, indépendamment de la saisie-contrefaçon ». La proposition de loi transpose également la proposition 18 du rapport d’information en renforçant les moyens d’action des douanes dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon (art. 30 à 38 de la proposition).